14.2. Un Cyrard effronté - Cette danse volée à un autre

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Pas besoin, je pense, de rappeler ce que notre Loulou militaire a fait... en revanche, il va s'accrocher à cette histoire comme une moule sur son rocher pour quelques portions de chapitre. Alors bon courage et bonne lecture ! ;)



— Et le dimanche suivant, le maréchal Niel reconnut Louis Chastelain de Verly en passant le bataillon en revue, gloussa Héloïse en chipant une quatrième pâte de fruits. Et devinez ce qu'il a fait ? Il s'est tourné vers le général commandant l'Ecole et a demandé à voix haute, assez fort pour que les élèves-officiers l'entendent : « Est-ce que vos jeunes gens sont frileux ? »

— C'est tout ?

— Tout ! Il paraît que Louis Chastelain de Verly était aussi cramoisi qu'une tomate abandonnée au soleil de Provence. Oh, que nous avons ri, Albéric et moi, en entendant cela !

— Cela ne m'étonne pas de lui, soupira Anne, un sourire peu charitable aux lèvres malgré tout. Il a toujours été m'as-tu-vu.

— Je suppose que vous n'avez pas de nouvelles de sa part ?

— Plus depuis notre dernière entrevue à Tours, il y a plus d'un an désormais. Pourquoi ?

— Sans raison particulière. Et Aaron ?

La gorge d'Anne se serra. Elle avait entraperçu Aaron dans les couloirs du palais, mais le jeune homme ne lui avait pas parlé ; plus, elle sentait une espèce de réticence, comme s'il l'évitait avec soin. Elle haussa les épaules pour chasser ces idées noires, et Héloïse comprit.

— Après tout, peut-être vous recontactera-t-il.

— Aaron ?

— Louis Chastelain de Verly. Vous êtes devenue demoiselle d'honneur de l'impératrice. Cela fait réfléchir.

Anne éclata de rire, et piqua sa dentelle avec bonne humeur. Pour la première fois depuis le premier février, sa tristesse s'écarta d'elle quelques minutes. Héloïse était une magicienne. Puis les nuages noirs revinrent se masser autour d'elle, sombres et inquiétants. Devant ses yeux, les deux tombes dansaient.

— Mademoiselle Baraguey d'Hilliers, quelqu'un demande à vous voir, déclara la duchesse Colonna-Walewski avec une satisfaction mal dissimulée.

Elle releva les yeux, s'étonna en silence. Personne ne l'avait jamais demandée jusqu'alors. Et l'air jubilant de la duchesse ne lui donnait pas confiance. Un bref instant, elle se demanda si son père était de passage à Paris.

— Ce doit être Léopold Niel, chuchota Héloïse à son côté. Il se retrouve souvent sur notre chemin, ne trouvez-vous pas ?

— Je ne l'ai jamais noté, réfléchit Anne à voix haute, sourcils froncés. Je vais voir.

Héloïse secoua la tête et s'empressa de la suivre, curieuse comme un chaton. Anne dévala les escaliers, porta inconsciemment la main à son chignon pour vérifier que l'échafaudage tenait bon et releva les yeux.

— Louis... ? balbutia-t-elle – et son cœur s'emballa aussitôt, tel un mécanisme bien réglé.

Le Saint-Cyrien se retourna et eut un séduisant sourire.

— Bonjour, Anne. Comment allez-vous ?

— Euh... je...

Derrière elle, Héloïse s'accroupit aussitôt derrière la rampe d'escalier puis fronça le nez, signe d'un profond mécontentement de sa part. Voilà que le godelureau recommençait son manège. Et ni Aaron ni Léopold Niel n'étaient pas là.

— J'ai pensé que vous apprécieriez de sortir quelques heures ; le parc est superbe et il n'y a personne.

— Mais euh...

Dans l'ombre du Second EmpireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant