20.3. La rivalité de deux frères - La Sorbonne

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Ptit Résumé : Anne & Aaron se sont disputés à propos de l'attitude du jeune homme, anarchiste et courtisan zélé à mi-temps. La jalousie des deux a permis de mettre quelques petites choses au point (Louise Michel, Léopold, la vie à Montmartre, les passages aux Tuileries !). Anne a posé le problème clairement : Aaron devra, un jour ou l'autre, faire un choix. la question est : quand ? et fera-t-il le bon choix, en dépit de ses sentiments (qu'il vient d'avouer à la demoiselle, au passage) ?

Donc... bonne lecture ! ;)

Aaron refusa tout net de cesser ses allées venues dans la capitale. Anne eut beau tempêter, implorer, supplier, le jeune homme demeura catégorique. Il s'arracha à son étreinte larmoyante et repartit pour Montmartre le soir même. Elle resta dans sa chambre, seule et triste. Sur le petit lit aux draps froissés, sa place était encore chaude. Il l'avait raccompagnée jusqu'au palais, s'était glissé au troisième étage à l'abri des regards. Puis ils avaient passé la soirée ensemble, intimidés malgré eux par l'ambiance grave qui suit toujours les disputes. Finalement, il avait déposé un baiser sur son front, avant de reprendre un sujet de conversation badin, presque futile. Elle avait fini par se détendre, pour lui répondre avec entrain. Avant de fuir loin d'elle, il lui avait promis de revenir la voir le plus tôt possible. Et, lorsqu'il était parti, Anne s'était glissée sous les draps, l'âme chavirée par le chagrin. L'attente recommençait.

Léopold ne lui fit aucune remarque ; sans jamais évoquer leur conversation, il trouva le moyen de lui faire comprendre qu'aucun détail de cet après-midi ne fuirait. Au sein de leur bande d'amis, il garda la même amabilité fraîche et courtoise. De son côté, Anne se garda bien de se retrouver en tête à tête avec le lieutenant ; sans regretter un instant son irruption chez lui – ne lui avait-elle pas offert un doux aveu qui trottait dans sa tête afin de lui donner du courage ? –, elle se reprochait la scène qui avait suivi. Elle s'en ouvrit à Héloïse qui écouta tout – en s'efforçant tant bien que mal de ne pas l'interrompre toutes les trois minutes. À la fin, elle frotta son nez, signe chez elle d'un secret retenu avec difficulté. Puis elle laissa échapper un soupir, et marmonna un « N'en parlons » plus peu éloquent. Depuis ce jour, la jeune femme ne lui demanda plus de nouvelles d'Aaron. Ce dernier, du reste, lui montra régulièrement à quel point il pensait à elle. Un soir, en rentrant d'une visite à l'Orphelinat du Prince impérial en compagnie des dames d'Eugénie, un gamin des rues à la mine chafouine s'approcha. Sans lui poser aucune question, il glissa un billet dans sa main, et décampa. Elle serra fort le papier chiffonné entre ses doigts, et s'empressa de s'isoler une fois au palais. Une plume en fin de vie avait tracé les mots Je t'aime d'une encre mêlée à de l'eau. Il trôna depuis ce soir-là sur sa table de nuit, défroissé sur le mot précédent : La jalousie est l'apanage des gens qui n'ont pas confiance en ce qu'ils ont à offrir. Elle avait éclaté de rire en le lisant. Cette semaine-là était passée un peu plus vite.

Aaron repointa le bout de son nez au début du mois d'avril, huit semaines après leur dernier éclat. Un peu avant que cinq heures sonnât, il passa la tête à travers l'entrebâillement de la porte et lança :

—   Bonjour, petite Tourangelle.

Elle cria de joie, et il dut courir la bâillonner d'une main preste avant qu'elle n'alertât pas tout l'étage.

—   Mais enfin, que faites-vous ici ? demanda-t-elle dès qu'il daigna la libérer.

—   Je suis venu voir comment ma demoiselle préférée se débrouillait. Et comme l'anniversaire de ma sœur Amélie tombe dans trois jours...

Il lui vola un baiser comme le geste le plus naturel au monde, et elle se laissa faire, ravie.

—   Restez-vous longtemps ?

Dans l'ombre du Second EmpireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant