Chapitre 41

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Tempête de Flamme courrait. Elle courrait aussi vite que possible, slalomant entre des arbres plus resplendissants que jamais et aux allures majestueuses malgré la fine bruine qui tombait goulûment. Elle courrait droit vers les pins, d'où s'éveillaient gaiement et tout en chantant multiples oiseaux venus bâtir leur nid dans les conifères. Elle courrait le cœur léger, le sourire en coin, ses pattes effleurant à peine le sol, déterminée à atteindre la cible en première. Elle courrait si vite que le vent rugissait contre ses oreilles, que la pluie lui fouettait le visage et que tout autour d'elle était devenu flou, étrange mélange de couleurs forestières.
Lorsqu'elle sentit alors le sol devenir moelleux sous ses pattes et que les épines commencèrent à lui chatouiller les coussinets, elle s'arrêta enfin tout en souriant, glissant dans un dérapage contrôlé. Elle était essoufflée mais si fière d'elle ! J'ai gagné !
Alors qu'elle allait se retourner pour crier victoire, elle se retrouva soudain brutalement projetée au sol, dans un bruit sourd magistral.
La féline en eut tout d'abord le souffle coupé, mais se redressa aussitôt, se secouant vivement pour chasser les épines et la terre de sa longue toison duveteuse.
Un matou gris perle aux yeux bleus limpides comme les cieux était penché vers elle. Il avait l'air particulièrement profondément inquiet tandis qu'il observait chacun des gestes de Tempête de Flamme, qui reprenait l'équilibre tant bien que mal.

« Je suis désolé ! Ça va ? lança-t-il alors en venant la renifler. Je ne t'avais vraiment pas vue, suis je bête ! »

Tempête de Flamme n'avait put se retenir de rire plus longtemps en voyant la tête qu'il faisait.

« Mais oui, t'inquiète ! rétorqua la jeune chatte en lui donnant un coup de patte joueur sur l'épaule. Je suis trop forte pour qu'on me blesse ! »

Perle de Pluie parut se détendre légèrement puis, après un court silence gênant, tous deux se mirent à rire ensemble en se remémorant la chute qu'ils venaient tout juste de faire. Qui aurait cru que leur course allait finir de la sorte ? Aussi maladroitement ? Aussi drôlement ?
C'était sans doute l'une des meilleures patrouilles de la rouquine et surtout, le début d'une belle histoire d'amitié.

Tempête de Flamme secoua alors faiblement la tête pour se tirer hors de ses pensées.
D'un coup, elle quitta les pins. Les rires résonnèrent une dernière fois dans son esprit avant de se dissiper douloureusement et elle revint alors à la dure réalité, à laquelle elle ne voulait pourtant pas croire.
Son crâne la faisait souffrir et sa tête lui tournait toujours un peu. Il n'y avait plus de feuilles dans les arbres attristés. Il n'y avait plus d'oiseaux qui chantaient ou qui ne volaient près d'elle. Il n'y avait plus de pluie. Il faisait nuit et les étoiles paraissaient le ciel, pour une fois bien loin d'elle, scintillant que trop peu dans ce noir d'encre trop effrayant.
À la place tombait de la neige, de plus en plus fort et il faisait terriblement froid.
Il n'y avait pas de course ou de jeu, se finissant par une bousculade mémorable, accompagné par des rires plus amicaux et vrais que jamais.
Il n'y avait plus Perle de Pluie. Non, il n'y avait plus rien de tout cela. C'était fini.

Tempête de Flamme frissonna en se rappelant ces doux souvenirs, les oreilles rabattues sous le poids du difficile deuil qui l'accablait.
Assise à l'écart, elle sentit les larmes se remettre à couler le long de ses moustaches, en pensant à sa rencontre avec Perle de Pluie, à leur première patrouille ensemble et à leur premier fou rire, qu'elle n'oubliera jamais. Elle n'arrivait pas à croire qu'il n'y avait plus rien et ce, pour toujours. Cela paraissait impossible.

À ses côtés, Poil d'Écureuil se colla doucement à elle pour tenter de la consoler, se frottant tendrement contre son épaule. Malheureusement, en vain.
Tempête de Flamme ne la repoussa pas mais continua de pleurer. À présent, plus rien ne pouvait la réconforter. Plus rien du tout.
Perle de Pluie était mort par sa faute. C'était elle qui avait refusé d'être sa compagne. C'était elle qui ne l'avait pas retenu alors qu'il partait en trombe dans la forêt. C'était elle qui n'avait pas su arriver à temps, qui n'avait pas pu agir au bon moment, ni parler avec les bons mots.

Ténèbres glacés, Espoirs flamboyants - LGDCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant