BONUS 2 : avancer parmi les fantômes

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Contient des spoils sur TG,EF : il faut avoir lu toute la fanfiction ! ;)

Doucement, le soleil terminait sa lente descente derrière les arbres de la forêt. Sa lumière dorée, chaude, nappait l'immensité forestière revêtue de sa plus belle toison émeraude en ce milieu de saison de feuilles vertes. Près de la rivière, un jeune brocard venait de braver les épais roseaux pour s'abreuver dans un crissement aigu. Quand il fut à découvert, il prit le temps de s'arrêter quelques instants afin de s'assurer que la voie était libre avant d'avancer à petits pas vers l'eau, ses longues et fines pattes s'enfonçant dans la berge. Il s'ébroua et fit voler la poussière trop longtemps accrochée à son pelage roux foncé avant d'enfin pouvoir laper dans le torrent tranquillisé par la douce météo de ces derniers temps. Autour de lui, les oiseaux piaillaient joyeusement en virevoltant vivement de branches en branches, profitant de la fraîcheur qui retombait progressivement sur le territoire du Clan de la Rivière.

Soudain, le chevreuil releva vivement la tête, les oreilles tendues, aux aguets. Après un instant d'immobilisation totale, il prit la fuite juste avant qu'un félin n'émerge des roseaux pour s'avancer lui aussi vers l'eau. En quelques bonds, il avait disparu silencieusement.

Le matou s'arrêta brièvement pour observer l'animal se volatiliser avant d'aller s'asseoir à son tour sur la berge de la rivière, à quelques queues de renard, sur une surface rocailleuse chauffée par les derniers rayons solaires.

La queue soigneusement enroulée autour de ses pattes, il inspira longuement l'air chargé d'odeurs estivales qu'il appréciait tant avant de fermer les yeux. Instantanément, il se trouva bercé par la douce bise qui vint chanter mielleusement près de ses oreilles et caresser sa sombre fourrure ébène de façon presque rassurante.

Devant lui, il entendait la rivière gronder paisiblement. Le courant était faible mais le gargouillis de l'eau restait toujours présent et n'avait pour le guerrier, pas de prix.

Quand il rouvrit lentement les paupières, il dut cligner plusieurs fois des yeux, presque aveuglé par le reflet du soleil couchant sur la surface de l'eau, devenue plus orangée que d'ordinaire, et balada ses prunelles bleues glacées sur le paysage qui s'offrait à lui avant de planter son regard sur les rochers en face, de l'autre côté du cours d'eau.

Baignés dans l'agréable lumière du soleil couchant, la roche, jaunâtre, était parfaitement tranquille en cette fin de soirée. Deux merles picoraient au pied des broussailles les bordant, de gestes vifs, à peine dérangés par la présence du noiraud, qui les observait d'un air rêveur. Ils étaient jeunes, sans doute à peine sortis de leur nid, et leur duvet laissait lentement place à un brillant plumage ténébreux.

Devant ce si apaisant spectacle, le félin ne put s'empêcher de sourire. Oui, Etoile de Nuit aimait cette vue, et il ne s'en lassait jamais. Songeur, il s'installa plus confortablement pour profiter encore quelque temps de ce cadre sous les dernières chaleurs du soleil, comme il aimait le faire régulièrement, et encore plus durant la belle saison où il était agréable de se poser ici sans craindre le froid.

C'était ici qu'il avait enfin eu le courage de proposer un rendez-vous aux Quatre Chênes à Tempête de Flamme. Sur cette rocaille même, qu'ils venaient tout juste de remporter contre le Clan du Tonnerre. Etoile de Nuit se souvenait qu'il chassait. Enfin, surtout qu'il était parti se changer les idées, loin de l'ambiance anxiogène qui régnait dans son camp en cette période si particulière. Et il avait aperçu la rouquine sur son propre territoire, sa fourrure rousse enflammée par les tons oranges et roses du soleil de la même façon que les Rochers du Soleil près desquels elle s'était trouvée, comme c'était le cas actuellement.

Ce soir-là, Etoile de Nuit n'avait pas hésité une seconde avant de la rejoindre, malgré leurs deux Clans rivaux et leurs quelques différends. Qu'il avait été intimidé par la situation. Qu'il avait été embarrassé par sa décision. Mais pourtant, qu'il avait adoré la façon dont sa vie avait basculé depuis qu'elle avait accepté de venir le rejoindre aux Quatre Chênes de nombreuses nuits après. Ces moments-là avaient été extraordinaires malgré les nombreuses lois du Code du Guerrier qu'ils brisaient à chaque fois qu'ils se retrouvaient ensemble. Ils n'étaient que de jeunes guerriers, à peine baptisés. Ils étaient encore inconscients, à peine prêts à assumer les responsabilités de leur rôle au sein du Clan. Ils étaient encore baignés dans leurs rêves de chatons, imaginés près de la tanière des Anciens, en jouant derrière une boule de mousse. Ces mêmes rêves qui avaient été brisés par la guerre. Brisés par l'anxiété et la peur qui étaient reines sur la forêt durant toute leur jeunesse. Brisés par la mort elle-même.

Ténèbres glacés, Espoirs flamboyants - LGDCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant