Chapitre 35

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Fin croissant au milieu de l'immensité céleste couleur indigo, mouchetée d'étoiles, la lune était zébrée par les épais nuages noirs qui défilaient lentement dans le ciel, escortés par la savoureuse fragrance de la pluie.
Bien que cachée, la faible lumière blafarde de l'astre suffisait à éclairer les sous-bois et se reflétait joliment sur les gouttes d'eau qui ornaient chacune des herbes et des feuilles mortes jonchant les bois.
Un hibou surveillait ses terres, hululant rauquement depuis la branche de son bouleau, un renard glapit au loin, par delà la forêt tandis qu'une musaraigne courut rejoindre une cachette, abandonnant sa graine, sans doute apeurée par un crépitement suspect qu'elle seule avait entendu.
Mais au final, nul autre véritable bruit ne venait briser le somptueux silence de la nuit, maîtresse en ces lieux obscurs. La pénombre était calme, patiente, immobile, comme prête à bondir sur sa proie. Ou presque.
Telle une ombre, Tempête de Flamme se faufila entre deux épais ronciers puis, après un dernier coup d'œil derrière elle, s'élança en trombe vers les Quatre Chênes, plus que déterminée.
En levant le menton, la féline constata que la moitié de la nuit était à peu près passée et que la lune cavalait déjà se coucher à travers la nuit noire. Il fallait donc se dépêcher. Il ne lui restait plus beaucoup de temps avant l'aube. Alors Tempête de Flamme accéléra sa course. J'aurais pourtant tant voulu partir plus vite...
Ce soir là, son Clan avait en effet mis du temps à s'endormir, préférant veiller près de la pile de gibier pour discuter et débattre de quelconques sujets plutôt que d'aller se reposer, pour mieux appréhender le lendemain. Si bien que la jeune guerrière rousse avait cru devoir attendre des saisons et des saisons entières avant de pouvoir enfin sortir discrètement de son nid, sans que personne ne la voie, comme elle en avait l'habitude depuis quelques temps déjà.
Maintenant libérée du regard des autres au cœur le plus profond de la forêt, la chasseuse galopait à présent aussi vite que possible pour rejoindre son lieu de rendez-vous habituel, prenant un peu plus d'élan à chaque foulée, à mesure qu'elle courrait.
Elle ne s'arrêta pas lorsqu'un rongeur frémit près d'elle, couinant en la voyant, ni même lorsque un corbeau faillit se jeter dans ses pattes, surpris par la présence soudaine de la rouquine.
Non. Elle ne pouvait pas ralentir. Pas maintenant. Il l'attendait. Il était sans doute là-bas et elle devait absolument le rejoindre pour ne pas qu'il patiente trop.
Même si ses coussinets endoloris et ses muscles meurtris la freinaient, la féline faisait au mieux pour ne pas prendre encore plus de retard car elle en avait déjà beaucoup.
L'évaluation à laquelle elle avait participé ce jour-là l'avait exténuée. La journée avait été, certes, intéressante mais aussi épuisante, après avoir parcouru les bois de fond en comble tout l'après-midi. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas autant travaillé en l'espace de si peu de temps. Elle avait été si heureuse de retrouver son nid en rentrant, pour pouvoir y faire une bonne sieste, bien que trop courte !
La rouquine avouait que sa couche, garnie de mousse et de plumes, lui manquait actuellement mais elle aurait tout fait pour se rendre tout de même à son rendez-vous. Tout. Même si c'était en sacrifiant un précieux sommeil.

Manquant de se prendre les pattes dans une racine dissimulée sous un tas de feuilles mortes, Tempête de Flamme secoua la tête pour plutôt se concentrer à nouveau sur l'instant présent.
Devant elle, la carrure imposante des quatre gros chênes commençaient doucement à se dessiner par delà les arbres de sa propre forêt, à travers la légère brume. Étranges formes noires dans la nuit sombre, ils étaient immobiles, paisibles, endormis et semblaient même embrasser la Toison Argentée de leur gracieuse cime tant ils étaient haut. Comme à son habitude, Tempête de Flamme franchit le filet d'eau qui rejoignait la rivière dans un agréable gargouillis en un bond gracieux et accéléra encore sa course malgré sa respiration de plus en plus rapide, devenue un peu difficile avec le froid glacial qu'il faisait.

Agile, elle monta pourtant sans trop faiblir la dernière côte qui la menait à sa frontière et décida enfin de ralentir une fois arrivée à son sommet, surplombant les plateaux du Clan du Vent, les prairies du Clan de la Rivière à sa gauche ainsi qu'une partie marécageuse du Clan de l'Ombre, à sa droite.
Sous ses pattes, la clairière ancestrale, centre des quatre territoires, dominait chacune des terres des tribus avec noblesse.

Ténèbres glacés, Espoirs flamboyants - LGDCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant