Chapitre 48

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Tempête de Flamme s'était relevée. Elle s'était éloignée du corps de sa mère. Elle l'avait laissée entre les pattes des guérisseurs pour ne fixer plus qu'un seul félin face à elle. Plus qu'un seul. Et rien d'autre.
Sa patte l'élançait vivement, mais elle continuait de s'appuyer dessus normalement. Sa fourrure empestait le sang, la peur, la rage et la mort mais elle ne s'en occupa point.
Ses yeux étaient rouges de larmes, celles-ci ruisselant lentement sur ses joues crispées pour finir leur course dans la neige boueuse mais elle ne les essuya pas.
Elle ne fit rien. Elle se contentait de suivre chacun des mouvements du chat qu'elle avait pris pour cible depuis tout à l'heure. Elle le voyait bondir, tendre la patte, glisser, feuler vers Moustache dans les moindres détails sans qu'il ne s'en soucia.
Près d'elle, Plume de Nuit s'était attaqué à une vielle chatte noire teintée de sang.
La rouquine n'alla pas l'aider. Elle préféra s'élancer vers le matou derrière eux, qu'elle ne quittait toujours pas des yeux.
Ce matou qui avait éventré Tempête de Sable. Qui avait éventré sa mère, sa propre mère, la blessant si gravement que la jeune chatte ne pouvait plus que prier pour que cette dernière survive.

Comme si de rien n'était, le solitaire au poil grisonnant se battait maintenant contre Moustache, du Clan du Vent.
Comme si de rien n'était !
Alors que c'était ma mère !
Les yeux fous de rage, la guerrière prit son élan, puis bondit, en crachant de toutes ses forces.
L'autre eu à peine le temps de comprendre ce qu'il lui arrivait qu'elle lui agrippa le dos, plantant sauvagement ses griffes dans ses flancs, sentant comme un regain d'énergie électrifier tout son corps tandis qu'elle sentait un liquide chaud et pâteux s'écouler lentement entre ses coussinets.
Le vieux chat gueula comme il put, furieux, et pivota brutalement pour déséquilibrer la jeune guerrière, qui tint cependant bon. Moi aussi je peux m'en contreficher !

Moustache, tout d'abord surpris par cette intervention bestiale, en profita néanmoins pour lacérer l'épaule de son adversaire.
Malgré la balafre qui recouvrait tout son portail et ses yeux qui trahissaient sa fatigue, le félin des plaines faisait son possible pour aider ses alliés et son coup porta ses fruits puisque le solitaire cria de plus belle, au plus grand plaisir de la guerrière rousse.

Soudain, le chat errant se cabra si fort que Tempête de Flamme bascula en arrière et roula violemment au sol.
La jeune chatte sentit ses plaies la faire souffrir lorsqu'elle s'appuya dessus sans le vouloir mais elle s'efforça tout de même de se relever, tremblotante, le plus vite possible pour parer les prochaines attaques.
Face à elle, le matou gris avait également repoussé Moustache, qui revint toutefois aussitôt à la charge, bientôt rejoint par la rouquine, qui ne voulait pour rien au monde perdre ce combat.
Ce combat, initialement, de sa propre mère, qui bataillait maintenant contre la mort.

En repensant au corps de la guerrière tout à l'heure, la rouquine serra les dents et feula vers son ennemi.
Celui-ci se retourna alors droit vers elle, envoyant bouler le félin de la tribu du Vent.
Ses grands yeux verts brillaient d'une animosité indescriptible, aussi violente qu'un coup physique qu'on aurait pu lui porter au ventre, ou au dos.
Ses longues griffes ensanglantées étaient blanches comme neige, aiguisées telles deux serres tranchantes, désireuses de passer à l'action.
Son sourire fendait vilainement son visage disproportionné, d'un air amplement narquois, qui rendait la jeune chatte encore plus folle.
Sans bouger, le mâle attendait l'attaque de la femelle du Clan du Tonnerre, presque avec impatience.
Tu vas voir ! La guerrière fléchit ses pattes arrière et fixa l'épaule de son adversaire, qui commença à gronder d'un miaulement sourd en sa direction.

Alors Tempête de Flamme bondit. Le solitaire se prépara à contre offenser mais au dernier moment, la chasseuse rousse dévia sa trajectoire à l'aide de ses pattes arrière, puisant comme elle put le maximum de ses forces.
Surpris, le chat errant feula et se tourna aussi vite que possible pour protéger ses flancs gauches.
Mais il était trop tard. Folle de rage, la rouquine tendit agilement sa patte avant et infligea une effroyable blessure au cou de son ennemi puis retomba lourdement sur ses pattes près de lui.
Le solitaire tomba pesamment au sol en lançant une plainte étonnamment aiguë, se transformant bientôt plus qu'en un piaillement indécis, faiblissant au fur et à mesure que le sang coulait encore et encore.
Un spasme le secoua soudainement, puis un deuxième et un troisième, jusqu'à n'en plus s'arrêter.

Ténèbres glacés, Espoirs flamboyants - LGDCOù les histoires vivent. Découvrez maintenant