Ténèbres glacés, Espoirs flamboyants - LGDC

Chapitre 29

La rouquine se redressa, la fourrure gonflée. Toujours secouée par ses spasmes chagrinés, elle tenta de se calmer et plissa plusieurs fois les yeux, pour mieux voir. Les oreilles aux aguets, elle scruta minutieusement les paysages alentours, retenant nerveusement sa respiration.
La forêt commençait à plonger dans la pénombre et les feuilles étaient teintées d'or, souvenir des derniers rayons du soleil couchant, maintenant disparu à l'horizon et laissant derrière lui de longues traînées rouges et jaunes dans le ciel zébré de nuages. Un vent léger venait caresser les arbres endormis, devenus aussi terrifiants que des ombres sous la nuit, et faisait onduler les herbes chatoyantes qui blanchissaient avec le givre. Les oiseaux avaient regagné leur nid, dans les cimes des arbres tandis que les rongeurs préféraient s'abriter sous les ronces desséchées par le froid, protégés par les griffes acérées de ces dernières.
Rien ne semblait bouger. 
Rien ne semblait faire du bruit près de la rouquine. Tout demeurait encore calme, paisible, presque sans vie, fidèle aux habituels crépuscules. Pourtant la jeune femelle était sûre d'avoir entendu du bruit. Elle était sûre d'avoir entendu les buissons frémir. Juste là. En face d'elle. Sur les berges bordant les Rochers du Soleil. À seulement quelques longueurs de queues de renard d'ici. Mais... Qu'était-ce ?

De plus en plus soucieuse, Tempête de Flamme leva un peu plus la tête, tendue, et entrouva la gueule, tentant de percevoir l'odeur de l'intrus -si intrus il y avait. Mais malgré ses nombreux efforts, le vent venait de derrière et elle n'avait donc aucune chance de déceler quelque chose, mise à part peut-être l'odeur poissonneuse des frontières du Clan de la Rivière, récemment et fortement marquées.

Frustrée, Tempête de Flamme tenta de se concentrer à nouveau en se redressant encore plus mais rien n'y fit et elle commença même à douter. Quelqu'un ou quelque chose se trouvait-il vraiment derrière ces taillis de ronce alors que ceux-ci avaient l'air à nouveau sans vie ? Le chagrin de la rouquine l'avait-il simplement induit en erreur ? Fait halluciner ?  Tempête de Flamme restait perplexe. Elle avait clairement perçu ce frémissent de végétation. Elle l'avait vu sous des yeux, il y a peine quelques instants. Tout avait eu l'air si réaliste, si vrai. Mais alors, qu'était-ce cette chose ? Un animal ?

Inspirant profondément, la guerrière décida de s'éloigner du tronc contre lequel elle s'était adossée et osa s'approcher de quelques pas vers la rivière, d'où le grondement incessant brouillait tout autre bruit. Allait-elle faire fuir la chose ? L'effrayer en se mettant à découvert ? Pourtant, rien ne se passa et les bois restaient toujours silencieux autour d'elle, comme retenant leur souffle avec la guerrière.

« Qui est là ? » osa alors demander la féline d'une voix encore tremblante.

Son miaulement trop timide se perdit malheureusement aussitôt dans la nuit, aspiré par la brume levante et le ronflement de la rivière de plus en plus fort à mesure que la femelle s'en approchait, semblable au tonnerre. Néanmoins, il resta tout de même assez distinct pour qu'un fourré près de la berge tressaillit à nouveau. Cette fois, sûre d'avoir bel et bien vu la végétation se mouvoir près des rochers, Tempête de Flamme se crispa soudainement, lâchant un hoquet de stupeur involontaire montant dans les aigus. D'un geste maladroit, elle se mit en position de défense, les pattes tapies au sol, les muscles bandés et riva ses yeux inquiets sur sa cible. Il y avait quelqu'un. Il y avait un animal près d'elle.

Sa queue se balançait nerveusement derrière elle et son cœur s'accéléra considérablement, laissant l'impression qu'il allait exploser. Tremblante, Tempête de Flamme du se retenir de gémir, brusquement affolée lorsqu'une pensée lui traversa l'esprit, à laquelle elle aurait préféré y songer bien avant. Elle était seule, en pleine nuit, à l'orée de sa forêt, loin des siens. Personne ne l'entendrait appeler à l'aide. Personne ne pourrait venir à sa rescousse.
Face à elle, elle le savait, se tenait un animal, l'épiant dans l'ombre sans oser se montrer, comme s'il attendait le bon moment pour sauter sur sa proie. Comme s'il attendait le bon moment pour sauter sur elle. Et si c'était un chat ? Et si c'était le chat, l'assassin ? Celui qui avait tué... Allons, stop ! Reprends-toi ! Tempête de Flamme recula doucement vers sa forêt en évitant les gestes brusques, essayant de calmer sa respiration qui était rapidement devenue incontrôlable face au danger imminent la guettant en face d'elle. Toujours très lentement, elle alla se tapir sous un bosquet d'aubépine, continuant de fixer la berge d'où étaient nés les bruits suspects. Les buissons étaient redevenus immobiles, baignés par la pâle et terne lumière blanchâtre de la lune.