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Le vent s'engouffra par la fenêtre entrouverte de notre classe et vint caresser mon visage.

- Mademoiselle Leblanc, encore un dix-huit sur vingt, vous les enchaînez !

Je venais de recevoir ma note de mathématiques et encore une fois un professeur me félicitait.
Ma mère allait me tenir son discours habituel : "Tu pourrais faire médecin ? Avocate ? Avec les notes que tu as, tu auras un métier stable, c'est certain !". À part si mes parents ne l'apprennent pas, pensais-je. Si je disais cela aux autres, ils me prendraient sûrement pour une folle. Souvent, les élèves font tout pour cacher leurs mauvaises notes, pas les bonnes. Et bien moi, c'était l'inverse. J'ai toujours été la petite fille calme, polie, qui travaille dur. Bien sûr, j'aimais quand les profs me complimentaient, mais parfois cela me pesait.
La sonnerie retentit. Je rangeai mes affaires et sortis de la salle. À l'abri dans la foule d'élèves, je me sentais à ma place. Invisible comme toujours. Tout à coup, une main m'attrapa par le bras. Je me retournai vivement.

-Eh toi ! s'écria Marine Franklin.

Oh non ! Mais qu'est-ce que j'avais bien pu faire ? Lorsqu'elle venait parler à des personnes qui ne faisaient pas parti de son groupe d'amis, ce n'était pas bon signe. Or, j'étais loin d'être dans ses fréquentations.

- Je te préviens, tu t'approches encore une fois de Mathias, je te casse les deux bras, c'est clair ?

Marine Franklin était grande, belle et blonde. Au collège déjà, elle impressionnait tout le monde. Elle n'était pas du genre à se laisser faire si on la contrariait. Et moi, la fille la plus discrète de tout le lycée, elle venait me voir parce que j'avais bousculé son petit copain. Mais de quoi avait-elle peur ? Que je lui vole Mathias ? Tous les garçons étaient à ses pieds. Jamais Mathias ne s'intéressera à moi.

- Redeviens transparente, c'est tout ce que je te demande ! T'as compris ?

C'est tout ce que je voulais, moi, disparaître. Qu'est-ce qu'elle croyait ?

-Euh...Oui, bégayai-je encore toute rouge.

- Reste dans l'ombre comme tu l'as toujours été et tout se passera bien pour toi.

Elle se retourna et s'en alla, sa longue chevelure blonde s'agitant dans son dos. Elle avait toujours cette manie de claquer ses talons sur le sol, c'était une manière de se faire remarquer.
Bon. Je n'avais plus qu'à me faire toute petite comme j'en avais l'habitude et à éviter Mathias, ainsi je pourrai garder mes deux bras.

~~~

- Ma choupette, je suis si fière de toi !

La voix stridente de ma mère résonna douloureusement à mes oreilles.
J'entrai chez moi en soupirant.

- Je viens de voir toutes les notes que tu as eu cette semaine, dit-elle toute souriante. Tu es la meilleure dans chaque matière. Je suis certaine que tu pourrais sauté une classe. Qui c'est, tu es peut-être même surdouée ?

Qu'est ce qu'elle m'énervait ! Je ne la supportais plus quand elle s'occupait de ma vie ainsi. Ma tête bourdonnait. Ma journée avait été longue et pénible, je n'avais qu'une envie : m'allonger dans mon lit et lire un bon livre tranquillement.

- Il faudra réfléchir aux spécialitées que tu prendras l'année prochaine. J'ai aussi regardé plusieurs grandes universités qui se trouvent aux alentours. Et j'aimerais bien que tu ailles voir la conseillère d'orientation. Je n'ai pas envie que tu finisses au chômage, simplement parce que tu n'arrives pas à faire de choix.

Qu'est-ce que j'avais dit ? Je n'en pouvais plus. C'était toujours la même chose avec elle. Je retirai mon manteau, enlevai mes Converse et déposai mes sacs.

Un vent glacialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant