15.

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Le vent soufflait, balayant les feuilles mortes. Au loin, un volet mal accroché frappait contre le mur. Puis, un bruit de voiture me parvint : c'était le moment. Je me précipitai hors de ma chambre et ouvrit la porte de derrière chez moi, qui donnait sur notre jardin. Après avoir fait tombé mes sacs sur le trottoir, je gravis le muret qui me séparait d'eux. Un coup d'oeil à gauche, un autre à droite : personne. Mes parents étaient bien partis à l'heure prévue.
Je récupérai mes affaires et courus jusqu'à la patinoire. J'avais tout prévu pour ne pas arriver en retard aujourd'hui. J'en avais assez des reproches de Christelle. Je poussai la porte et restai stupéfaite.

- Iris ? Tu es déjà là ? s'exclama Samuel aussi surpris que moi, en me voyant arriver. Mais tu as une demie-heure d'avance ! Christelle et Louca ne sont même pas encore arrivés !

Après m'être remis du choc de la nouvelle, j'articulai :

- Je...Je ne voulais pas être en retard. Mais je crois que là, j'ai fait fort. Ce n'est pas grave. Je vais danser un peu toute seule avant qu'ils arrivent.

Samuel me sourit et retourna à ses occupations, tandis que je partais au vestiaire me changer.
Depuis plus de neuf ans que nous nous connaissions, il était devenu plus qu'un ami. Il était un soutien, un pilier. Sans lui, je me serai effondrée depuis longtemps.
Je laçai mes patins et attachai mes cheveux. Les rayons du soleil pénétraient par la fenêtre des vestiaires, répandant une douce lumière sur le carrelage blanc.
Après un rapide échauffement articulaire, je sortis avec mon casque autour du cou et m'approchai de la piste. Je retirai mes protèges-lames et les déposai par terre. Samuel venait de faire la glace, elle était donc parfaitement lisse. Je pris une profonde inspiration, l'air frais de la patinoire m'envahit. Voilà, j'étais dans mon élément. Je descendis et me dirigeai au centre de la patinoire. Il me fallait une nouvelle chanson pour patiner. Je m'allongeai sur la piste et fermai les yeux. Je carressai la glace du bout des doigts, Samuel devait être en train de me regarder, comme toujours. Soudain, une idée me vint. Et pourquoi pas "Control" de Zoe Wees?
Je souris : cette chanson était parfaite. Je me relevai, actionnai la musique, rangeai mon portable dans ma poche et mis mon casque sur les oreilles. La voix de la chanteuse résonna dans mes tympans, alors que je commençai à patiner. Les pas venaient d'eux-mêmes, il n'y avait sans doute aucune technique, mais pour une fois, j'avais envie d'être complètement moi-même. La danse sur glace me permettait de me libérer, d'extérioriser toute la rage, la passion que j'avais en moi. C'est grâce au patinage que j'ai tenu bon. Je me rappelais du jour où mon père m'avait annoncé que je ne pourrais plus jamais retourner patiner. Ça m'avait mise hors de moi. Alors si Samuel ne m'avait pas ouvert la porte de la patinoire, s'il ne m'avait pas couvert un nombre incalculable de fois devant mes parents, j'aurais explosée.
La musique se terminait, je m'arrêtai. J'étais essouflée mais je me sentais libérée d'un poids. Je relevai la tête : Christelle me regardait bouche bée et Louca avait les yeux qui pétillaient. Je glissai une mèche volante derrière mon oreille : c'est un réflexe que je faisais lorsque j'étais gênée. Je sentis la fierté m'envahir. Soudain, un applaudissement retentit. Je ris puis me tournai vers Samuel. Il avait pris l'habitude de me regarder patiner, et il lui arrivait même de me féliciter, comme à cet instant.
Il était adossé à la surfaceuse et avait toujours ce sourire complice qui lui allait si bien. Je saluai mon tout petit public et me dirigeai vers la sortie de la piste.
En me voyant arriver vers elle, Christelle secoua la tête afin de reprendre ses esprits. Je tapai dans la main que me tendait Louca.

- Hum...Très...très bien Iris, tu es en avance aujourd'hui, articula-t-elle. Bon, ne perdons pas de temps ! Louca va te changer, je dois parler à Iris.

J'avalai ma salive avec difficulté. Louca me lança un regard qui signifiait "désolé, mais je n'avais pas le choix", avant de tourner les talons. Je ne compris pas, mais j'eus un mauvais pressentiment.
Je mis mes protèges-lames, sortis de la glace et m'approchai de Christelle, la gorge nouée.

Un vent glacialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant