28.

62 8 1
                                    

Le soleil était haut dans le ciel parsemé de nuages blancs. Le temps était superbe en cette fin de matinée. Le samedi, Louca et moi n'avions que deux heures d'entraînement de six heures à huit heures du matin. Alors que la cloche de l'église de notre ville venait de sonner neufs coups, Louca revint me voir chez moi. Lorsque je lui eus ouvert la porte, il me demanda de le suivre immédiatement sans lui poser de questions. Je n'eus pas le temps de protester.

- Allez, viens ! s'écria Louca en me tirant par la manche.

J'eus juste le temps de prendre mon sac à main et de claquer la porte de chez moi.

- Où est-ce que tu m'emmènes ? demandai-je intriguée. Mes parents rentrent à quatorze heures trente. S'ils voient que je suis sortie...

- Dépêche-toi ou on va louper le car ! me coupa t-il.

Alors nous nous sommes mis à courir comme des fous jusqu'à l'arrêt de bus, juste à temps pour monter dans ce dernier, d'ailleurs.
Nous nous sommes assis dans le car et nous avons essayé de reprendre de notre souffle.

- Bon, maintenant tu peux me dire où on va ?

- Loin, loin de tous tes soucis ! me répondit-il.

- Mais je n'ai pas de problèmes, mentis-je.

Il fit la moue. Je souriais : il commençait vraiment à bien me connaître. Voyant que je ne pourrais pas lui en faire dire davantage je me suis tu. Je pensais pouvoir deviner notre destination en regardant le paysage, mais je me suis endormie cinq minutes après notre départ. Pas étonnant, je ne fermais pas l'oeil de la nuit depuis plusieurs jours maintenant.

- Nous sommes arrivés, m'annonça Louca dans l'oreille.

J'ouvris les yeux, puis regardai par la fenêtre de notre bus : nous étions au beau milieu d'un quartier d'une ville que je ne reconnaissais pas. Je ne savais pas où j'étais, ni pendant combien de temps j'avais dormi.
Nous sommes sortis du car. Le soleil m'éblouissait et je mis ma main en visière. Un nuage passa dans le ciel, recouvrant la source de l'intense lumière. Je pus enfin distinguer correctement les alentours. Nous nous tenions sur le trottoir en face d'une rue où un immense bâtiment se dressait. Je mis un temps à me rappeler à quelle occasion j'étais venue ici, il y a longtemps déjà. Puis, les souvenirs affluèrent en images floues dans ma tête. C'était ma mère qui nous y avait emmené, pour mon quatrième anniversaire. Mon coeur se serra en me rappelant maman, enchaînant les sauts sur la glace. Je n'y étais pas retournée depuis. Cette patinoire était aussi un lieu important pour mes parents : c'était là où papa avait demandé la main à sa future femme.

- Ça va ? me demanda Louca.

J'affichais un léger sourire. Mais cela remuait un passé en moi, un passé dont je me souvenais à peine malheureusement.

- Tu sais ce que c'est, l'énorme bâtiment de l'autre côté de la rue ? s'enquit mon partenaire.

- Oui, murmurai-je. C'est une patinoire.

- Exactement. Mais permets-moi d'ajouter un petit quelque chose. Ceci est la patinoire la plus grande de notre région. Elle possède deux pistes, toutes deux immenses. Tu es déjà venue ici ?

Je hochai la tête, trop émue pour articuler le moindre mot. Il m'emmena vers l'entrée du bâtiment. Les énormes lettres en relief n'avaient pas changé de place. Nous entrâmes et une vague d'émotions me submergea : la nostalgie et la tristesse, puis la joie d'être revenue dans un endroit si important pour moi, avec Louca. Les larmes me montèrent aux yeux lorsque je me tournai vers la piste : de petites filles s'amusaient à faire des arabesques, tandis qu'un groupe de jeunes garçons tentaient d'effectuer un salto arrière. Une main se posa sur mon épaule, alors que j'essuyai une larme.

Un vent glacialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant