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La sonnerie retentit. J'attendais ça depuis si longtemps. Cette journée avait été absolument horrible. J'ai rangé mes affaires à toute allure et me suis jetée dehors. C'était bien la première fois que je sortais si vite d'un cours. À peine sortie dans le couloir, je m'enfonçais les écouteurs dans les oreilles. Les élèves sortaient en masse des salles de classe, se bousculant, chahutant et criant de tous les côtés. J'activai ma playlist Spotify et mis le son à fond. Je me frayai un chemin parmi toutes ces personnes surexcitées. J'aurai voulu passer cette journée ailleurs qu'au lycée. Comme beaucoup d'autres élèves sans doute. La patinoire par exemple, c'était mon havre de paix. Je secouai la tête comme pour effacer toutes ces idées de mon esprit. Je devais me ressaisir, surtout que mes notes étaient en chute libre. Je n'étais jamais descendue en-dessous de seize de moyenne de toute ma vie, je ne comprenais pas ce qui m'arrivait. Je devais passer le BAC de français l'année prochaine, je ne pouvais pas me permettre de le rater. Je descendis à vitesse grand V les escaliers. Je franchis les grilles du lycée et me précipitai dans la rue. J'étais à cinq minutes de la patinoire, et la patinoire était à dix minutes de chez moi.
Les réverbères étaient allumés, les étoiles perçaient le ciel noir d'encre et le vent s'était levé. Les bouchons commençaient à se créer à la sortie du lycée. Des employés et employeurs sortaient de leur travail, des cernes sous les yeux et le visage pâle.
L'air sentait le pot d'échappement, le sol était recouvert de pavés et l'usine, plus loin, projetait des nuages de pollution dans le ciel.
Mes cheveux étaient emmêlés, mon sac de cours pesait une tonne et j'avais les jambes engourdies après les sept heures de classe pendant lesquelles j'étais restée assise aujourd'hui. J'avais raffistolé mes Converse comme j'avais pu, mais je sentais, de nouveau, ma semelle se détacher. Je tournai à droite au bout de la rue saint-Nicolas, traversai le passage piéton et retirai mes écouteurs. Mes oreilles bourdonnaient et j'entendais les coups de klaxons, loin, comme dans un rêve. Le vent balaya les feuilles mortes tombées sur le trottoir.
Je poussai la porte de la patinoire.

~~~

- À demain Louca !

L'entraînement venait de se terminer. Il me fit un geste de la main, avant de partir dans la direction inverse à la mienne.
Je traversai la route, et entrai dans le parc. Le vent sifflait entre les branches, une vieille dame observait les passants et on entendait un chien aboyé plus loin. Le concert de klaxons s'était calmé et les étoiles apparaissaient plus lumineuses dans le ciel d'encre. Je pris à gauche et sortis du parc.
La rue était calme. Je consultai ma montre et pressai le pas. Je rentrai chez moi, enlevai chaussures et manteau, me précipitai dans la cuisine et fit chauffer de l'eau dans une casserole. Tout à coup, la sonnette retentit. À cette heure ? Je ne voyais pas qui cela pouvait bien être. Lorsque j'ouvris la porte, je poussai une exclamation de surprise.

- Louca ! Mais qu'est-ce que tu fais là ? J'ai oublié quelque chose à la patinoire ?

Il était essoufflé, et d'un signe, il me demanda d'attendre qu'il reprenne ses esprits. Après un moment il put enfin articuler :

- Et bien, je voulais te rendre une petite visite.

- Chez moi ? Mais on patinait ensemble il y a à peine vingt minutes !

- Oui je sais, mais quand je suis parti, je me suis dit que passer une heure de plus ensemble ça serait cool. Alors j'ai fait demi-tour. Bon, j'ai mis pas mal de temps à te retrouver, avoua-t-il. Et quand je t'ai enfin retrouvé, tu as accéléré, donc je me suis mis à courir pour ne pas te perdre une seconde fois de vue. Voilà, tu connais toute l'histoire. Je peux peut-être rentrer maintenant ?

Un vent glacialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant