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Quand j'allais dans la cuisine pour le petit déjeuner, j'adorais cette odeur de croissants, de chouquettes et de chocolat chaud. Chaque matin, je m'attardais à table, savourant toutes les bouchées sans jamais me lasser. Je ne m'occupais plus depuis longtemps de mon apparence, je préférais prendre le temps de déguster ce même petit déjeuner, tous les jours.
Mais aujourd'hui encore, je n'avais pas faim. Si ma mère m'avait vue, elle m'aurait sûrement emmener au docteur. Heureusement, le matin il n'y avait plus personne chez moi, mes parents commençaient à travailler tôt pour finir tard à cause des heures supplémentaires qu'ils effectuaient. C'est que, parfois, les fins de mois étaient vraiment difficiles.
Depuis dix ans que ma mère avait mis un terme à sa carrière de patineuse, tout était devenu plus compliqué. À chaque référence à la glace, aux compétitions ou même au passé, elle devenait folle de rage. Elle avait dû être suivi par un psychologue après son accident.
Malheureusement pour nous, elle gagnait quatre fois plus cher qu'aujourd'hui avec son travail de serveuse.
Mon père avait ouvert un restaurant depuis déjà vingt ans : il en était le seul cuisinier. Au début ça marchait plutôt bien, mais les gens se sont lassés de sa cuisine et à présent il n'y avait plus grand monde. Mon père avait trois employés avant, quand ma mère était encore patineuse. Mais il avait dû tous les licencier car il n'avait plus assez d'argent pour les payer. C'est à ce moment-là que ma mère avait tout arrêter. Elle s'était cassée brutalement la cheville et s'était fracturée deux côtes en tombant après un triple axel.
Alors, elle était devenue serveuse dans le restaurant de papa. Depuis, ils ouvraient à sept heures du matin pour finir à onze heures du soir, espérant toujours avoir quelques clients supplémentaires.
Bref, aujourd'hui j'avais décidé de raccourcir mon petit déjeuner pour me faire belle. Il y avait si longtemps que je ne m'étais pas contemplée dans le miroir. Je constatai à travers mon reflet que j'avais pris quelques kilos. Mais, également que mon pantalon bleu pattes d'eph était très abîmé aux genoux et qu'il commençait à être court. Je décidai donc de retourner dans ma chambre et de me choisir une nouvelle tenue.
Quelques minutes plus tard, je me regardai de nouveau dans la glace : le duo chemise bleue claire et jean moulant noir me plaisaient bien, mais j'avais comme l'impression qu'il manquait quelque chose. Je me rongeai l'ongle du pouce comme j'avais l'habitude de le faire quand j'étais chiffonnée. Je me souvins de Sophie Jackson, une fille qui était dans ma classe en quatrième et qui rentrait toujours ses tee-shirts dans son pantalon. Je fis de-même. Voilà. C'était beaucoup mieux.
Et me regardant une dernière fois, je remarquai que mon visage était un peu pâle. Je fouillai dans les tiroirs de la salle de bain et m'emparai du maquillage de ma mère. J'espérais ne pas passer pour une idiote devant Mathias, cette fois-ci.
En jetant un regard à mon portable, j'écarquillai les yeux. Je sortis de la salle de bains au pas de course.
J'enfilai à la hâte ma veste en cuir et mes Converse noires, attrapai mon sac de cours et mon sac de sport et claquai la porte de chez moi.

~~~

- Non mais qu'est ce que tu faisais ?! Ça fait trois quart d'heure que je t'attends ! On avait rendez-vous à six heures je te rappelle !

Louca m'attendait à la porte de la patinoire visiblement furieux.

- Désolé, je...heu...bégayai-je un peu vexée qu'il me crie dessus comme si j'étais une enfant qui venait de faire une énorme bêtise.

- Allez bon-sang ! s'exclama-t-il au bord de la crise de nerfs. Dépêche-toi !

Je m'empressai de rentrer dans la patinoire en évitant le regard désapprobateur de Louca, et filai me changer.

Louca était déjà au milieu de la piste quand je sortis des vestiaires. Il avait les bras croisés visiblement exaspéré que je ne me dépêche pas plus. Ses yeux verts amandes jetaient des éclairs et son sourire bienveillant avait disparu en laissant place à un visage dur et impassible. Il était vêtu d'un sweat à capuche Nike gris et un pantalon noir moulant.

Un vent glacialOù les histoires vivent. Découvrez maintenant