Toutes les pages de mon agenda de cette semaine étaient remplies de leçons. Rien qu'à regarder tout ça, j'en avais des vertiges. Il me restait encore une heure de cours avant de pouvoir rentrer chez moi, mais je ne pensais déjà qu'à mon lit. Malheureusement, la réalité était tout autre. Après être sortie du lycée à dix-huit heures, je devais enchaîner avec deux heures d'entraînement, puis manger sur le pouce avant de commencer mes innombrables devoirs. J'étais déjà certaine de ne pas pouvoir dormir avant minuit, or le lendemain je devais me lever tôt pour être à la patinoire à six heures précise. Je poussai un soupir. C'est moi qui avait voulu de cette vie, je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Mon ambition d'intégrer de grandes écoles avait fondu comme neige au soleil. Je ne m'en sentais plus capable. Et ma passion pour la danse sur glace, commençait peu à peu à disparaître elle aussi : les entraînements étaient trop intenses et trop nombreux. Je ne comprenais pas comment j'en étais arrivée à ce point. L'énergie que j'avais en moi auparavant n'existait plus aujourd'hui. J'étais épuisée.
Les aiguilles de l'horloge tournaient avec une lenteur insupportable. Plus je les regardai, plus elles semblaient ralentir. Les autres élèves prenaient des notes. Je ne savais plus de quoi parlait le prof, j'avais perdu le fil. Et mes paupières devenaient de plus en plus lourdes...- Vous voulez peut-être un oreiller, mademoiselle ?
J'ai sursauté. Toute la classe a rigolé. Monsieur Dumas me regardait d'un oeil mauvais : c'est lui qui m'avait crié dans l'oreille alors que je m'étais assoupie. Le rouge me monta aux joues et je baissai la tête, honteuse.
- Si mon cours vous ennuie à ce point, vous pouvez sortir ! s'exclama-t-il.
- Ce n'est pas ça, c'est juste que je ne dors pas beaucoup, tentai-je de me défendre.
- Je m'en fiche ! C'est votre problème si vous regardez des films jusqu'à quatre heures du matin !
- Mais non, je...
- Silence ! me coupa-t-il. Cessez de me répondre si vous ne voulez pas une heure de retenue !
Je me tus, j'en avais assez de m'attirer des ennuis. La dernière demi-heure passa encore moins vite, nous avons écrit une leçon dans le silence le plus complet jusqu'à ce que la sonnerie résonne. Enfin. Libératrice. Je rangeai mes affaires à toute vitesse, mais lorsque je me levai, je fus prise de vertiges. Je m'assis une seconde, le temps de reprendre mes esprits, puis je sortis de la classe. Je me sentais faible et cela m'effrayait. Chacun de mes mouvements me demandaient un grand effort. Je ne me voyais absolument pas patiner dans cet état, mais je n'avais pas le choix, je devais aller à l'entraînement. Pour m'améliorer, encore. Pour essayer de battre Emma lors des compétitions. Je m'accrochai de toutes mes forces à la rembarde pour ne pas m'effondrer en descendant les escaliers. Je me hâtai, je ne tenais pas à entendre les reproches de Christelle si j'arrivais en retard. La route qui menait à la patinoire me sembla durer une éternité, pourtant elle ne dura que cinq minutes. Mes yeux avaient du mal à rester entièrement ouverts et mes jambes étaient en coton. Soudain, j'aperçus Louca assis sur un banc, seul, à côté de la patinoire. Je le rejoignis et dès qu'il me vit, il se leva.
- Christelle est partie chercher nos costumes, elle veut qu'on s'entraîne avec, aujourd'hui, m'expliqua-t-il.
- D'accord, chuchotai-je en m'asseyant.
Louca me dévisagea.
- Iris, ça va ? Tu es toute blanche, s'inquiéta-t-il.
- Ne t'en fais pas, je vais...
Je ne pus terminer ma phrase, tout devint flou, puis noir et je m'évanouis. Je revins à moi une minute plus tard. Louca était penché sur moi, les mains tremblantes, soucieux.
- Iris ? Tu m'entends ? Parle-moi !
- Je suis...fatiguée, réussis-je à articuler.
- Qu'est-ce qui se passe ? cria une voix familière.
Louca se retourna et je me redressai un peu. Christelle arrivait en courant, affolée : elle avait compris que quelque chose n'allait pas.
- Iris vient de faire un malaise, dit Louca à sa tante.
- Ce n'était rien, regarde, je vais déjà beaucoup mieux, chuchotai-je en me levant.
De nouveau, je fus prise de vertiges violents qui m'obligèrent à m'asseoir.
- Tu as mangé quoi ce midi ? me demanda-t-elle.
- Euh...rien, je n'ai pas été au self, j'ai fait mes leçons sur la pause déjeuner.
- Oh ! Et bien ne cherche pas plus loin, voilà pourquoi tu viens de t'évanouir, fit Christelle. Bien évidemment, pas d'entraînement ce soir. Louca va te ramener chez toi et va s'assurer que tu manges ! Je veux te retrouver en pleine forme demain matin, c'est d'accord?
- Mais...je ne suis pas encore au point sur la quatrième transition, et...nous nous sommes toujours pas entraînés avec nos nouveaux costumes....Je dois m'entraîner...
- Non, me coupa Christelle. Tu vas aller reprendre des forces et nous verrons tout ça demain matin, c'est d'accord ?
J'acquiesçai et Louca passa son bras autour de mes épaules pour m'aider à me relever et nous partîmes chez moi. Comme lui avait exigé Christelle, Louca resta jusqu'à ce qu'il m'ait vu manger. Alors que je le raccompagnai à la porte, il me demanda pour la énième fois :
- T'es sûre que ça va aller ?
- Oui, lui assurai-je. Je fais mes leçons et je me couche, promis !
- Et tu penses les terminer en combien de temps ?
- Oh ! Hum...Je dirai cinq, six heures à peu près.
- Pardon ? s'exclama Louca. Il est hors de question que tu travailles autant, je vais t'aider.
- Je fais ça tous les soirs, tentai-je de me défendre. Et puis mes parents vont arriver, tu dois partir.
Au même moment, je reçus un texto de mon père qui me disait qu'ils ne seront à la maison que dans deux heures et qu'il ne fallait pas que je les attende. Bien évidemment, Louca lut le message par-dessus mon épaule et décida donc de rester.
Il passa une demi-heure à m'expliquer comment m'organiser pour ne pas perdre de temps. Une heure trente plus tard, je raccompagnai Louca à la porte et allai me coucher. J'étais épuisée, lessivée et stressée. Certes, j'avais réussi à faire tous mes devoirs mais, je n'avais absolument pas l'impression d'avoir retenu quoi que ce soit pour mon évaluation de demain. J'eus une boule au ventre toute la nuit, je me rendais malade pour mes cours et je n'arrivais pas à m'en empêcher. Je me tournai sans arrêt dans mon lit, incapable de dormir, la peur me rongeait. Pour la quatrième fois, cette nuit-là, je ne dormis que trois heures.
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Un vent glacial
PertualanganPeu de gens savent ce qu'est une passion. Seuls ceux qui en ont une comprennent vraiment le sens de ce mot. Depuis ma toute petite enfance je ne pense qu'à patiner. La danse sur glace est ma raison de vivre. Et pourtant deux garçons vont vouloir cha...