Je n'en revenais pas. Comment avait-elle pu faire ça ? Rendre le projet de sa vie vain ? je n'en revenais pas... ma mère avait un réel talent pour faire les mauvais choix. Les larmes aux yeux, je regardai la route défiler devant moi et mes mains allèrent toutes seules chercher la lettre de mon père dans mon sac. Je sortis la liste des choses à modifier pour que le vaccin soit fonctionnel et la relus. J'avais besoin de ses recherches pour savoir quoi modifier et quoi améliorer. Les recherches brulées, cette feuille ne servait plus à rien. Je serrai mon poing dans lequel se trouvait l'enveloppe vide et le bruit de son froissement résonna dans la voiture de mon frère. Je regrettai instantanément d'avoir froissé l'enveloppe vide. C'était un souvenir de mon père, je ne devais pas l'abîmer. Tout en lissant le papier sur ma cuisse, une question me revint en tête, une question que je me posais depuis longtemps. Comment mon père avait-il pu tomber amoureux de ma mère ?
« Où va-t-on ? La maison n'est pas par-là, demandais-je quand mon frère bifurqua soudain.
- Maman n'est pas à la maison, elle est au labo de Papa, elle y a passé tout son temps libre de cette semaine. Elle en revenait toujours avec les larmes aux yeux, pourtant j'ai l'impression qu'elle va un peu mieux. J'ai déjà essayé de la convaincre de renoncer, tu sais ? mais ça n'a pas marché... elle devenait étrange quand je lui en parlait, elle criait, pleurait, puis criait à nouveau, alors j'évite le sujet, la voix de mon frère se brisa, je veux plus jamais la voir comme ça. Mais toi, toi tu y arriveras peut-être. Tu as changé, tu es plus sûre de toi »
Sa remarque me fit sourire de fierté. Le labo était situé en périphérie de la ville, le trajet allait être plus long que prévu. Je décidais d'en profiter pour parler à mon frère. Je rassemblais mes idées pour en faire un schéma clair. Je voulais tout dire d'un coup, je pensais que ça passerait mieux.
« Tu sais pourquoi je te déteste depuis tout ce temps ? Parce que je n'ai jamais compris pourquoi tu m'as fait tout cela, pourquoi tu me considérais comme un monstre. Comment as-tu pu me tenir, quand Amélie me lançait des objets à la figure ? j'avais quatre ans, Nathan, quatre ans. Et tu m'as tenue pour que celle qui était ma meilleure amie puisse me jeter tous les jouets de ma chambre au visage. Peut-être que tu pensais que je ne m'en souviendrais jamais, seulement je m'en souviens. Et tu sais pourquoi ? parce que ce moment hante mes nuits depuis. Tu sais quel autre moment hante mes nuits ? le jour où tu m'as prise en photo sans ma lentille et que tu m'as menacée de l'envoyer à tous mes camarades si je ne faisais pas ce que tu voulais. Le jour où, avec maman, tu m'as emmenée de force chez Amélie, pour que je fasse la paix avec elle. Ce jour où tu m'as poussée de force dans sa chambre. Tu m'as abandonnée là-bas, au milieu de ces hyènes, et elles m'ont attaquée. J'avais des problèmes avec le contact physique depuis mes six ans à cause de toi et tu as laissé Amélie et ses amies m'arracher mes vêtements pour me montrer à quel point j'étais un monstre. Et toi tu étais de l'autre côté de la porte et tu te délectais de mes cris de terreur, de mes appels au secours. Pourquoi Nathan ? Pourquoi est-ce que tu m'as fait vivre dans une maison où je ne me sentais pas en sécurité ? tu as fait de ma vie un enfer et je veux comprendre pourquoi, parce que je veux avancer. J'en ai marre de ne dormir que trois heures par nuit de peur de faire des cauchemars, je veux vivre réellement. J'en ai marre de vivre dans la peur, la méfiance. Je veux vivre une vraie vie. Cette vie dont tu m'as privée. »
Mon frère resta silencieux, je l'observai à la dérobée. Une larme avait coulé sur sa joue et il l'essuya d'un geste nerveux. Il
inspira longuement, se concentrant sur la route. Mes idées partaient dans tous les sens, mais je ne me laissais pas emporter dans le flux, je voulais entendre ce qu'il allait dire, décrypter son langage corporel, ses craquements de voix... je ne voulais rien rater. Mon frère se racla la gorge et quand il prit la parole, j'entendis qu'il avait la gorge serrée.
« je... je n'ai jamais voulu que tu me détestes, tu sais ? je voulais te protéger en fait. Tu étais ma petite sœur, alors mon devoir de grand frère c'était de te protéger. Quand Amélie te jetait des jouets à la figure, je te tenais bel et bien, mais pas pour qu'elle puisse te viser plus facilement. Elle lançait des objets dans tous les sens et j'étais jeune alors je t'ai attrapée pour te protéger mais ça n'a fait qu'empirer les choses... le jour où je t'ai prise en photo sans ta lentille, c'était parce que je te trouvais vraiment belle sans. Je ne comprenais pas pourquoi maman te forçais à te cacher derrière et je voulais demander leur avis à mes amis, mais tu es arrivée dans ma chambre et tu as mal compris la situation. Je voulais te montrer que tu n'étais pas un monstre, parce que tu n'en es pas un. Le jour où nous sommes allés chez Amélie, j'avais insisté pour venir parce que je voulais la faire payer pour ce qu'elle t'avait fait. Tu étais constamment mal dans ta peau, malgré ta beauté et ton intelligence incroyable. Je voulais la frapper, c'est pour ça que je t'avais forcée à monter dans sa chambre, pour que tu vois ce que j'allais lui faire ! mais maman m'a attrapé avant que je ne puisse faire quoi que ce soit et elle m'a fait revenir avec elle dans le salon où elle avait discuté avec la mère d'Amélie. Elle s'était énervée contre elle et lui avait expliqué à quel point sa fille était méchante. Tu étais ressortie de la chambre en pleurs, tes habits étaient déchirés et tu avais les cheveux en bataille. Tu t'étais enfermée dans une sorte de mutisme dont Papa était le seul à pouvoir te sortir, mais tu n'as jamais dit ce qu'il était arrivé ce jour-là. Il t'avait aménagé une salle de danse, et moi j'avais été puni. Chacun de tes regards meurtriers et apeurés me déchiraient de l'intérieur, mais je ne disais rien. Dès que j'ai pu, j'ai quitté la maison pour que tu puisses grandir en toute sérénité. Maman m'a appelée pour l'aider à t'organiser ce voyage en Corée, et j'ai pensé que c'était une bonne idée. Bien sûr, tu peux ne pas me croire, mais toute cette situation était basée sur une succession de malentendu. »
Je ne savais pas quoi penser. C'était tout ce que j'avais toujours voulu entendre.
« Je vais te croire. Parce que je veux avancer. »
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Différente
FanfictionT/p vit une vie solitaire, loin de ses pairs et de sa famille. Un jour, elle va découvrir que Jeon Jungkook de BTS est son cousin et qu'un mystère plane sur sa famille. Elle va tenter de résoudre ce mystère, repoussant ses limites, et, sans s'en ren...