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- C'est pas grave, t'inquiète pas ça viendra. Depuis quand te parle-t-elle ? »

Pendant que je lui parlais, les deux garçons étaient enfin sortis de leur torpeur, et tous deux avaient aussi posé leur main sur le dos de Ji-An, qui avait arrêté de trembler et de pleurer. Elle se redressa et se tourna vers moi, tournant le dos à Namjoon. Elle me dévisagea quelques instants, s'arrêta sur mes yeux, puis regarda mon cousin.

« Qui es-tu, me demanda-t-elle de sa voix encore rocailleuse. Tu n'es pas comme les personnes que j'ai rencontrées, tu vois les choses autrement, tu parles autrement, tes propos sont vrais, on le ressent dans ta voix, tu la connais vraiment, mais... Tu es différente. Cette voix, tu l'entends encore ?

- Non, sauf si je la laisse m'envahir, j'ai trouvé comment la bloquer, alors pour l'entendre je n'ai qu'à la débloquer. Elle fait toujours aussi mal par contre.

- Je l'entends depuis... (elle se tourna vers Namjoon, puis me refit face) depuis toujours je pense, mais avant je, ou plutôt elle n'était pas méchante. Je pense que c'est la voix à laquelle je parlais quand je réfléchissais dans ma tête. Elle ne m'a jamais dit de choses mauvaises, elle était moi, et j'étais elle. Et puis j'ai grandi, je pleurai souvent et mes parents me disaient que c'était de la faiblesse, que ce qui m'arrivait ce n'était rien comparé à d'autres. Que j'étais faible. Je n'y croyais pas, je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais la voix à l'intérieur de moi me le répétait sans cesse. Je me le répétais sans cesse à moi-même. J'ai toujours pensé que cette voix c'était moi et qu'elle avait raison... et maintenant toi tu viens et tu me dis de ne plus l'écouter ? j'ai essayé, je ne la supporte plus alors j'ai toujours mes écouteurs dans les oreilles pour ne plus l'entendre...

- Et ça fonctionne ?

- Pas vraiment, dit-elle en bougeant sa tête, je suis obligée de mettre le volume très fort, je vais finir par devenir sourde. Aussi la voix a changé, ce n'est pas comme avant où elle n'avait pas vraiment de timbre reconnaissable, la voix, c'est celle de mon père. Avant les seuls moments où je ne l'entendais plus c'était avec Eden et toi, Oppa. Mais il est parti, on l'a abandonné et maintenant il est mort, c'est ma faute elle ne cesse de me le répéter.

Elle se retourna vers RM, il pleurait silencieusement, sa lèvre inferieur tremblait. Il était perdu, ne sachant pas comment réagir, alors il l'attira vers lui et la serra à nouveau fort contre lui, il passa sa main dans ses cheveux, enfoui son visage dans son cou froid.

« Oppa, la voix de Ji-An était brisée quand elle reprit la parole, je suis folle, murmura-t-elle. Je peux le voir aussi clair que je te vois. Il se tient devant moi, avec ses cheveux qui lui tombent dans les yeux. Il me sourit, comme il souriait toujours, même quand il allait mal. Mais quand je le touche, il hurle de souffrance, mais j'ai besoin de lui. J'essaie à chaque fois de lui prendre la main, mais à chaque contact il hurle, puis disparait. Dans ma tête sa douce voix résonne... 'tu aurais pu me sauver'... c'est ma faute Nam... il est mort par ma faute, asséna-t-elle presque inaudiblement.

- Il n'appartient plus à ce monde, Ji-An, lui répondit-il aussi bas qu'elle. Voilà pourquoi il hurle quand on le touche, il n'est plus de notre monde, mais il est toujours avec nous, il ne partira pas de notre cœur. Ton cœur, c'est comme un refuge dont toi seule à la clef, mais où toi seule ne peux aller. Pour qu'il puisse s'y réfugier il faut que tu lui ouvres la porte. Vous irez tous les deux tellement mieux quand il sera dans ce refuge douillet, mais pour qu'il y aille, il faut que tu le laisses partir. C'est très dur je sais, j'ai dû le faire aussi, mais il le faut. Tu n'avanceras pas sinon. Il ne sera au bon endroit que dans ton cœur, il n'est plus à sa place dans notre monde, mais toi si, il faut que tu y reviennes Ji-An, parce que moi je t'y attends depuis bien trop longtemps. »

Elle se retire de son étreinte et lui lança un regard interrogateur auquel il répondit en l'embrassant tendrement. D'abord surprise, Ji-An finit par l'embrasser à son tour. Elle paraissait incroyablement heureuse, comme si tout ce dont elle venait de nous parler, et ce qu'elle n'avait pas abordé, avait disparu pour cet instant. Je me tournai vers Jungkook qui, tout aussi gêné que moi, avait les lèvres plissées. D'un commun accord, nous sortîmes de la petite salle-de-bain.

Dans l'étroit couloir, mon cousin se dirigea vers le salon et prit la boite de biscuit avant de sortir de l'appartement. Il descendit les escaliers, escaliers que j'avais l'impression d'avoir monté il y a si longtemps, il sortit de l'immeuble et monta dans sa voiture. Quand j'eus refermé ma portière, mon cousin se tourna vers moi, il me rappela des choses que je savais déjà, comme le fait que je ne devais parler de ce qu'il s'était passé à personne, et que Namjoon se chargerait lui-même d'avertir les membres du groupe de l'évolution de sa relation avec Ji-An. Quand je lui demandais comment RM allait rentrer à Seoul si on partait sans lui, il me répondit vaguement que Ji-An avait une voiture, mais il n'avait pas l'air de se préoccuper tant que ça du retour de son leader. Il démarra et sortit de sa place de parking. Avant de s'engager sur la route il se tourna une nouvelle fois vers moi.

« Tu pars quand de nouveau ?

- Après demain...

- J'espère que tu sais nager ! »

Il sourit puis s'engagea sur la route, mais pas dans la direction de Seoul.

DifférenteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant