Chapitre 15

11 3 0
                                    

La mutation géographique de Jack parut l'affecter considérablement et accélérer son isolement. Il n'avait plus envie de rien, sa recherche d'emploi devenait inactive et sa motivation inexistante. Il était parvenu à se procurer, quelques mois auparavant, une importante quantité de somnifères qui l'aidait à dormir. Il négligeait de plus en plus son hygiène intime et le moindre effort, même celui de s'alimenter, lui paraissait insurmontable. Une fatigue chronique s'installait en lui et il restait des journées entières en caleçon allongé sur son lit ou son canapé. Ses diverses factures mensuelles et autres abonnements prenaient du retard et Jack s'enlisait considérablement dans un gouffre financier. Il buvait d'importantes quantités d'alcool divers et variés, afin d'oublier, de courts moments, la situation dans laquelle il se trouvait. Il ne se fixait aucune limite et prenait même le risque d'absorber des anxiolytiques associés à l'alcool.

Particulièrement anxieux un jour en fin de journée, Jack avala deux de ces cachets en étant fortement alcoolisé malgré la connaissance des risques et la dangerosité de ce mélange. Il eut aussitôt d'importants vomissements et finit par s'évanouir dans la salle de bain.

Il se réveilla plus tard dans une salle complètement vide. Il était assis sur une énorme chaise en bois comparable aux anciennes chaises électriques. L'air ambiant était glacial et une forte odeur d'éther obstruait ses narines l'empêchant de respirer correctement. Il avait les poignets et les jambes attachés aux accoudoirs par de puissantes lanières en coton, noircies par le temps. Il ne pouvait absolument pas bouger. Chaque tentative se concluait par d'atroces douleurs aux poignets et aux chevilles.

La pièce, de la taille d'une petite chambre, avait été entièrement peinte de blanc et ne possédait aucune fenêtre. Il fallut quelques minutes pour que Jack retrouve pleinement ses capacités visuelles, s'adaptant progressivement à une luminosité aveuglante. C'est alors qu'il remarqua la présence d'une deuxième chaise vacante sur sa droite.

De manière tout à fait étrange et insensée, il ressentit une violente douleur provenant de ses mains, de ses doigts plus précisément. Baissant les yeux en direction de sa main droite, il constata que ses doigts avaient été arrachés. Il en était de même pour son autre main. Aussitôt, il vomit et fit l'effort de ne pas se vomir sur les jambes et les pieds. Alors qu'il termina de régurgiter ses anxiolytiques avec une forte odeur d'alcool, il constata, la tête penchée vers l'avant, qu'il était également déchaussé. Il ressentit simultanément une douleur indescriptible provenant de ses orteils, tous sectionnés avec une grande précision. Il voulait hurler mais n'y parvenait pas. Il ne ressentait plus non plus sa langue glissant sur ses dents. Elle aussi avait été arrachée.

Il comprit alors d'où provenait cette importante quantité de sang présente sur son polo, continuant de se répandre sur le sol.

Il perdit connaissance incapable de supporter de telles douleurs. Quelques instants plus tard, il revint à lui et sentit une présence à ses côtés. Assis sur la chaise près de lui, la créature du parking était la, l'observant avec insistance. Il aurait juré avoir remarqué un rictus sadique sur sa gueule effrayante.

A cet instant précis, un homme couvert de sang portant une blouse de chirurgien s'approcha de lui. La blouse portait un badge mentionnant très distinctement le nom de PERKINS.

Jack leva alors les yeux et tel un miroir projetant son reflet, il se vit debout face à lui-même. Il tenait à la main une pince chirurgicale et l'agrippa par la joue gauche. Il lui enfila un écarteur de bouche, sa mâchoire craqua sous une telle force, dans une douleur effroyable. Il lui glissa la pince dans la bouche et après d'importants efforts dans différents sens, réussit à extraire une dent suivie d'une giclée d'hémoglobine. Il saisit la dent et se dirigea vers la créature qui ouvrit sa gueule à son tour. Il lui glissa la dent dans la gueule et répéta cette même opération encore et encore.

Cette ordure était en train de lui ôter les dents une par une pour les implanter dans la gueule de la créature. Jack remarqua, plissant les yeux de douleur, que la créature avait posé une de ses mains sur sa cuisse. Il voulut hurler constatant que ses doigts arrachés avaient été transplantés et adaptés sur ce monstre vert. Se penchant légèrement vers l'avant, il vit ses orteils ensanglantés, raccommodés sur les pieds de cette créature venue d'ailleurs. Regardant Jack, elle finit par ouvrir sa gueule dévoilant sa langue et ses dents encore rougies.

L'autre Jack, debout face à lui, s'approcha de nouveau de lui avec une énorme pince. Il tira sur son oreille droite et approcha la pince à hauteur de l'organe pour la sectionner.

Un appel téléphonique, salvateur, le tira de ce cauchemar pourtant si réel. Il souffrait, à son réveil, curieusement des doigts, des orteils et de la bouche. Il était abondamment trempé, de la tête aux pieds.

Dr PerkinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant