Dr Perkins

Chapitre 47

Alors que l'eau avait totalement envahi le centre commercial, Jack sentit ses poumons se comprimer et se remplir d'eau. Le manque d'oxygène lui brûla rapidement la poitrine. Il se sentit progressivement perdre connaissance et la main de Samantha lâcha la sienne. Il la vit s'éloigner dans les profondeurs troubles et grisâtres de l'océan répandu à tout jamais.

Jack, à bout de souffle, entendait une voix lointaine. Une voix inconnue et dont les mots inaudibles demeuraient incompréhensibles. Soudain, il ressentit une forte douleur l'envahir. Une onde de choc électrique lui traversa le corps. Ces douleurs se répétèrent plusieurs fois, retardant l'échéance finale et inévitable.

L'obscurité envahissante laissait désormais place à une lueur bienfaitrice. A bout de forces, il se laissa aspirer par cette lueur et disparut à son tour.

Loin de là, dans une petite ruelle sombre et étroite de Farnuca, en cette glaciale nuit d'hiver, une équipe de secours tentait par tous les moyens de ramener à la vie une personne sans abri. Luis et son collègue étaient les premiers arrivés sur place et ils donnèrent immédiatement l'alerte.

- «Monsieur, restez avec nous. Tenez bon»

Le médecin délivrait, de nouveau, une décharge électrique. Son défibrillateur à chaque sollicitation semblait se tordre et hurler de toute sa puissance.

Au bout de quelques minutes, il déclara le décès à son équipe de la victime. Exaspéré et agacé , il se redressa prononçant les mots suivants:

- «Encore un pauvre malheureux qui quitte ce monde égoïste, le onzième cette semaine»

Un policier en retrait, assistant à la scène devenue presque banal s'approcha afin d'identifier la victime. Il extirpa un portefeuille marron déchiqueté de la poche avant droite du pantalon humide et glacé de la personne décédée.

Il rédigea le rapport du décès écrivant les mots suivants:

- Nom de la victime: PERKINS

- Prénom: Jack

- Né le 11 août 1968

- Date du décès: 16 février 2017

- Heure constatée du décès: 01h43

Puis le policier se dirigea vers le médecin. Il lui demanda de se renseigner afin de prévenir ses proches dans les plus brefs délais.

Le lendemain soir, dans la rubrique des faits divers, le présentateur du journal télévisé annonça brièvement le décès de Jack en les termes suivants:

- «Le réputé et richissime chirurgien Dr Perkins a été retrouvé mort la nuit dernière dans une ruelle de Farnuca. En effet, l'ex-docteur, vivait dans la rue depuis plusieurs mois maintenant, suite à une épouvantable erreur chirurgicale, qui avait coûté la vie d'une patiente. Il croula rapidement sous d'importantes dettes et une brutale descente aux enfers le propulsa au rang de sans abri en quelques semaines. Un hommage solennel lui sera rendu dans la petite ville de Chenders ou il était né et avait grandi»

Paula sentit les larmes monter en elle, accompagnées d'une vive douleur à l'estomac. Elle venait à l'instant, par le biais du journal télévisé, d'apprendre le décès de son père.

Elle se précipita vers la cuisine où Jeanne préparait le dîner, entrelacée dans les bras de son nouveau compagnon.

Elle poussa brutalement la porte, qui ricocha violemment sur un des meubles de la cuisine. Les deux amoureux sursautèrent et furent coupés net dans leur élan coquin.

- «Maman» dit Paula la gorge nouée sans réussir à en dire plus pour le moment.

Elle se reprit après quelques secondes:

- «Maman, c'est papa. Il est mort»

Soucieux de se sentir de trop ou gênant, l'amoureux quitta la cuisine, laissant les filles seules.

Fixant gravement sa mère, elle prononça:

- «Je viens de l'entendre au journal télévisé. Il était livré à lui seul depuis plusieurs mois, abandonné comme un chien dans la rue. Tu le savais?»

Paula, inconsolable, fut prise d'un élan de colère et quitta la pièce précipitamment.

Jeanne, peu touchée par la nouvelle, voire même soulagée, courut après sa fille assise sur le canapé. Elle répondit:

- «C'est terrible ma puce. Mais dois je te rappeler que c'est lui qui nous a abandonné avec ses conneries. Il ne s'est jamais soucié de nous, de notre avenir, de notre famille»

Paula, suspicieuse:

- «Vu ta réaction, tu le savais, j'en suis sûre»

- «Oui chérie. Il m'a appelé un jour et m'a laissé un message pour me demander de l'aide. Je lui ai répondu qu'il était trop tard et qu'il devait nous oublier pour toujours»

Les larmes coulaient à flots sur les joues rougies de Paula. Elle se précipita dans les bras de sa mère.

- «C'est chose faite maman. Nous n'entendrons plus jamais parler de lui. Je l'aimais tellement»

Le brillant docteur Perkins s'est éteint en cette froide nuit d'hiver, seul, loin des siens, loin de ceux qu'il aimait et qui l'aimait.