Chapitre 42

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Johnson, préoccupé, regardait l'écran de son téléphone toutes les deux minutes. Il affichait 16h15.

Dans une vingtaine de minutes ,ESPERANCE, le missile de «la dernière chance», ainsi surnommé, allait bondir vers le ciel supposé délivrer la terre de son cachot.

Sur les recommandations de ses fidèles conseillers et des plus brillants scientifiques, une navette maritime se tenait prête à conduire le Président et ses proches vers un hélicoptère posé au large de la baie de Washington.

Certains autres membres du gouvernement et de l'armée disposaient également de ce même traitement de faveur, resté secret afin de ne pas créer d'émeutes ou de soulèvements supplémentaires.

Johnson avait les yeux rivés sur les énormes écrans. Tous ses collaborateurs étaient silencieux, assis en rangées successives, impatients de voir ce missile s'envoler.

L'heure H arriva enfin et un compte à rebours sonore et angoissant débuta. Un mauvais pressentiment envahit Johnson. Ce compte à rebours paraissait être le dernier de son existence. Il était sur le point d'être exécuté.

Aussi, des larmes commencèrent à se former et à couler le long de ses joues dans le rythme du décompte.

Le missile prit son envol. Chacun retenait sa respiration. Certains se tenaient la tête dans les mains décidant ne plus fixer les écrans. L'impact était prévu, d'après quelques données, dans une dizaine de minutes.

L'espoir de l'humanité résumé à une attente de dix minutes. Des minutes où chacun trace une rétrospective sur sa vie, sur les décisions prises, le chemin parcouru, les moments de bonheur passés en famille et les difficiles épreuves surmontées avec fierté.

Une chose est sûre, tous sortiraient différents et changés de cette expérience à tout jamais.

Dans le silence infernal de cette énorme salle, de petits chuchotements se faisaient entendre. Beaucoup de collaborateurs de Johnson se tournaient vers le seigneur en ce moment insupportable. Ils cherchaient une force extérieure afin de les aider à traverser cette épreuve. Propre à chacun, la foi devenait l'ultime recours ou issue dans ces moments de rédemption. «Le seigneur devrait comprendre de toute évidenc proclamaient-ils tous.

Enfin, la dernière minute de cette interminable attente arriva. Les écrans affichaient M-1.

Finalement, l'angoissant compte à rebours débuta énumérant les 10 dernières secondes pendant lesquelles, chacun se tourne vers ses propres idéologies. Le M-0 apparut tel un message biblique apocalyptique et tous les yeux étaient rivés vers les écrans de contrôle remontant les différentes données de l'impact.

Mais rien...

Aucun impact...

ESPERANCE avait disparu des écrans de contrôle et des radars.

Une incompréhension générale et une profonde colère se développa rapidement. Certains éclatèrent en sanglot, d'autres pris d'un excès de colère et de haine prirent les chaises pour les fracasser sur les bureaux et les écrans.

Quelques minutes plus tard, le téléphone portable de Johnson sonna et il décrocha. Le chef des armées s'entretint quelques secondes avec lui avant que la communication soit de nouveau interrompue, faute de réseau fiable.

Il lui fit part de l'échec de l'opération. Personne ne comprenait et ne pouvait justifier la disparition du missile.

Le plan B d'urgence absolue fut immédiatement lancé. Le chef des armées convia Johnson à les rejoindre dans les plus brefs délais et dans le plus grand secret.

Johnson pensait à ses proches, à ses enfants. L'idée de fuir loin de ses proches égoïstement le dégoûtait au plus haut point et était profondément inenvisageable à ses yeux.

Il sauta donc dans son véhicule afin de parcourir au plus vite les 45 minutes qui le séparait de son domicile. Il n'avait qu'une idée en tête, étreindre et embrasser le plus fort possible son épouse ainsi que ses trois enfants.

Il alluma la radio et un flash info informait que plusieurs convois de véhicules officiels traversaient à allure effrénée Washington. Le journaliste ajouta que ces convois présidentiels accentuaient au sein de la population une psychose grandissante. Beaucoup comprenaient que les événements devenaient préoccupants et incontrôlés. Le Président et son gouvernement prenant la fuite était considéré comme un acte de lâcheté et de déshonneur selon les propos du commentateur.

Johnson préféra couper la radio, il en avait assez entendu et appuya à fond sur la pédale de droite.

Fisk tentait en vain de joindre son ami Johnson. Le réseau capricieux jusqu'alors, était désormais totalement inexistant.

Il se rendit au bureau du colonel Buck, dévasté par cet ultime échec. Jamais il n'avait perdu, impuissant, une telle bataille. Sur sa requête musclée et menaçante, Il le quitta aussitôt, le laissant seul dans un profond désespoir à l'issue tragique.

Fisk repensait alors à son supérieur hiérarchique lui demandant de rentrer à l'institut.

«Peut être aurais-je dû l'écouter pour une fois» pensa t-il alors le sourire aux lèvres. 

Rempli de remords, il se sentait prisonnier de cette situation dans cette base qui lui est étrangère, loin de ses racines et de ses proches.

Il était un obstiné et un perfectionniste. Il aimait aller au bout des choses et détestait l'échec. Rien ne pouvait lui résister.

«Et voilà le résultat» se dit-il.

«Je vais certainement mourir, ici seul, loin des gens que j'aime, sans même pouvoir leur dire une dernière fois comme je les aime et comme je regrette mes décisions»

Il rejoint la cantine de la base où certains militaires, le week-end, pouvaient s'offrir un verre d'alcool, seul réconfort de semaines surchargées.

Il commanda une double vodka, qu'il sirota avec un infini plaisir comme si ce fut la dernière.

C'est alors qu'un jeune soldat apeuré et essoufflé s'approcha de lui, le pas rapide et ferme.

- «Professeur Fisk. Venez, j'ai quelque chose à vous montrer. C'est tout juste incroyable , vous n'allez pas à en revenir. Suivez-moi»

Fisk se leva le pas nonchalant, après tout il le suivit, il n'avait plus rien à perdre.

Dr PerkinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant