Chapitre 36

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Fisk se tenait accoudé, le front appuyé sur son avant bras droit, contre la paroi glacée du squelette métallique du premier hélicoptère. Le vent violent et des conditions météorologiques exécrables rendirent l'opération de rapatriement particulièrement éprouvante et difficile.

Des tests draconiens n'ont révélé aucune empreinte, aucune trace ADN. Les scientifiques et biologistes ayant intervenu sur l'analyse de l'épave étaient formels:

- «La structure est intacte, vierge d'éléments extérieurs et étrangers. La plaque d'identification toujours présente sur le châssis confirme et valide qu'il s'agit bien la de l'appareil utilisé lors de la première expédition. Il n'y a pas de doute et d'erreur possible»

Le supérieur hiérarchique de Fisk lui demanda de rentrer à l'institut afin de rédiger un rapport détaillé sur le déroulement des différentes opérations. Mais Il n'envisageait pas un seul instant de rentrer sans la moindre réponse à ces événements étranges et incompréhensibles.

Une réunion de crise fut planifiée en début d'après-midi afin de projeter la suite à donner aux opérations. Le colonel, supervisant la base, émit une hypothèse qui laissa perplexe plusieurs collaborateurs. Il proposa un vol de reconnaissance destiné à mesurer la taille et le volume potentiel de l'une des structures noires. Beaucoup, effrayés par cette hypothèse, n'y voyait là qu'un challenge personnel, désireux de surmonter les échecs précédents et de sauver leur peau.

L'appareil embarquerait des outils de mesure de dernière génération extrêmement précis, relayé par une série de drones également équipés, pouvant relever et confirmer les résultats obtenus.

Une impatience grandissante, secondée par une réactivité militaire exceptionnelle, accéléra le délai de réalisation de cette nouvelle opération.

Ainsi, quelques jours plus tard, l'appareil prenait son envol. Le professeur Fisk prit part à l'équipage, agacé des recommandations hiérarchiques l'incitant à renoncer à l'opération. Obstiné, son esprit de contradiction prit vite le dessus. Il dira fréquemment que ce trait de personnalité lui permit de prendre des décisions primordiales et déterminantes dans sa vie.

Assisté du technicien militaire opérationnel, il apportait les derniers réglages et autres paramètres aux instruments de mesure. Au bout de quelques minutes, l'appareil se trouvait en position alignée avec le bas de l'une des structures. Le technicien donna l'ordre au pilote d'entamer l'ascension. L'appareil se cambra pour prendre de l'altitude hurlant de toute sa puissance. L'altimètre s'affolait et les aiguilles tournaient à une vitesse incroyable, surprenant jusqu'au pilote lui-même, face à une telle manœuvre, si rare. Un autre technicien à bord d'un deuxième hélicoptère pilotait informatiquement une douzaine de drones quadrillant également cette même structure.

Subitement, le pilote stoppa son ascension provoquant des stupeurs et interrogations sur les différents visages. Fisk le questionna l'air étonné et préoccupé. Ce dernier lui demanda de s'approcher du poste de pilotage. Ce qu'il voyait le laissa bouche bée et sans paroles. L'appareil était monté de 5000 pieds avant de se stabiliser et demeurait aligné avec l'extrémité basse de la structure comme s'il n'avait pas bougé du point initial.

C'est alors que le pilote s'adressant à Fisk prononça:

- «Monsieur, le pilote du deuxième appareil est formel. La structure a eu un mouvement ascendant identique au nôtre. Il a vu cette énorme masse grimper soudainement dans le ciel»

Fisk encore sous le choc répondit:

- «Mais c'est tout à fait impossible et insensé. Ils comprennent nos intentions, ils doivent forcément nous observer et nous écouter»

Excédé, Fisk prit quelques secondes afin de retrouver une sérénité opérationnelle et structurée.

Le pilote, impatient, attendait une directive précise:

- «Quels sont vos ordres Monsieur? Le colonel à la base me demande de vous solliciter»

Inquiet et perdu, Fisk réfléchissait, une panoplie de scénarios se bousculaient dans sa tête:

- «Redescendez officier. Dites lui que nous redescendons et que nous reprenons notre position de base»

- «Bien reçu monsieur, à vos ordres»

L'appareil entama une descente bien plus progressive. Fisk, observant par un des ouvrants, eut effectivement l'impression, plutôt évidente, que la structure suivait leur mouvement.

L'appareil retrouva sa position initiale et ils constatèrent effectivement l'alignement initial.

Il ordonna alors au pilote de voler sous la structure, afin de tenter de relever des mesures sur la longueur de celle-ci. Le pilote se référa à son colonel. Il redoutait un mouvement brusque de la structure avec le risque qu'ils se fassent littéralement pulvériser par cet énorme bloc.

Le pilote obéit mettant l'accent sur des mesures de sécurité à entreprendre afin de garantir le succès de cette manœuvre, encore plus périlleuse que la précédente.

Après quelques minutes et des dizaines de kilomètres parcourus, le pilote irrité demanda de nouveau à Fisk de constater l'inefficacité de cette dernière manœuvre. Aucun résultat, de nouveau la structure bougea accompagnant et mimant à la perfection le mouvement de l'appareil.

Le pilote revint alors à la position de départ, en sueur sous son casque, excédé. C'est alors que le technicien à bord du deuxième hélicoptère commandant les drones reçu l'ordre de projeter un des drones sur une paroi de la structure. Les deux hélicoptères prirent position à quelques mètres l'un de l'autre. Ils étaient face à cet énorme monstre noir aux parois illimitées. Le drone se tenait également à seulement quelques mètres des appareils.

Le technicien entra informatiquement les données directionnelles du drone qui prit la direction de la paroi.

Avant même que le drone percute la paroi, l'immense structure noire disparut subitement. Certains diront qu'elle monta dans le ciel à une vitesse irréelle, d'autres diront qu'elle s'est tout simplement volatilisée.

Les deux hélicoptères avaient désormais face à eux un magnifique ciel bleu profond dépourvu du moindre nuage.

Le retour à la base fut étrangement long et silencieux. Des regards fuyants et interrogateurs concluaient cette opération.

Quelques heures plus tard, un long et inutile débriefing achevait cette journée frustrante.

C'est alors que le téléphone portable de Fisk sonna affichant un numéro qu'il ne connaissait pas. Il décrocha et son fidèle ami Johnson, puissant et brillant scientifique de la NASA lui confia:

- «Mon cher Fisk. J'espère que tu es assis car ce que je vais te dire va te faire tomber à la renverse. Et regarde tes mails, je t'ai fait parvenir des images que tu n'es pas prêt d'oublier»

- Au point où j'en suis, plus rien ne peut m'étonner»

répondit Fisk fatigué et assoiffé.

Dr PerkinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant