Chapitre 14

12 3 0
                                    


Cinq mois plus tard, le train en provenance de Vicente arrivait en gare de Farnuca. Jack encore confortablement assis, fixait, le regard absent, son ticket de train affichant la date du 8 septembre 2013.

Une canicule s'abattait férocement sur le pays depuis plusieurs jours. La gare brouillait de monde. Jack comparait tous ces gens à une fourmilière géante où chacun accomplissait ses obligations et objectifs. Des actions quotidiennes répétées et égoïstes dans une routine lobotomisante, envahissant chaque individu, sans jamais stopper cette course folle. Tout cela était bien étranger et inconnu à ses yeux.

Quand le train stoppa, il fut le dernier à se lever pour récupérer son sac regroupant le restant d'affaires ayant survécu à sa déchéance sociale. Les gens se ruèrent vers les portes de sorties du train comme pris d'une soudaine panique.

Il se tenait sur le quai de la gare et s'immobilisa quelques instants. Les gens passaient près de lui, certains le bousculaient sans s'excuser poursuivant machinalement leur chemin. Il leva alors les yeux au ciel et les ferma quelques secondes. Il sentit alors son ventre se serrer et sa gorge se nouer. Il priait et souhaitait de tout cœur une intervention divine pour l'ôter de cet enfer.

Il sortit de sa poche le papier griffonné par son ami Esteban indiquant l'adresse de l'appartement mis à sa disposition.

Ce dernier se situait au cœur de la capitale dans un immeuble ancien en briques. Le taxi s'arrêta face à ce bâtiment austère. Jack, du coin de l'œil, repéra le numéro 26 correspondant à son nouveau logement. La ruelle était étroite et sale. De vieux journaux et autres détritus jonchaient le sol.

Il pénétra dans un couloir sombre et ses narines furent dérangées par une importante odeur d'humidité. Il monta un escalier bruyant dont chaque marche, en bois fragilisé par le temps, bougeait dangereusement et menaçait de s'effondrer à tout instant. Jack commençait à se demander si son ami Esteban ne s'était pas moqué de lui en se débarrassant d'un taudis dont personne ne voulait.

Il monta quatre étages. Il se retrouva face à une porte blindée plutôt récente, dégageant une agréable impression de qualité et de sécurité.

Il enfonça une impressionnante clé biscornue dans la serrure, il appréhendait fortement ce qu'il allait découvrir à l'intérieur.

Il fut agréablement surpris du contraste entre la rusticité de l'immeuble et l'appartement. Une belle décoration, un confort et un équipement moderne agrémentait le tout.

Il s'agissait effectivement d'un appartement de deux pièces, rénové et tout équipé. Rien ne manquait aux premiers abords. Il jeta son sac aux pieds du lit et s'y laissa tomber franchement.

Il décida de se reposer quelques instants pensant au combat terrifiant qui l'attendait pour surmonter cette descente en enfer

.Jack repensait à cette fameuse soirée. Quand Jack s'approcha de la cuisine ce soir-là, il entendit deux voix masculines bien distinctes. Il connaissait parfaitement bien l'une d'entre elles et identifiait difficilement la deuxième. Il entrouvrit la porte et resta figé à l'embouchure. Il y avait deux personnes assises sur les haut tabourets, accoudées sur le plan en granit noir du bar. Une splendide pierre acheminée du Zimbabwe.

Il fit le tour du bar et se retrouva face aux individus sirotant un whisky sans glaçons. Ils levèrent les yeux vers Jack. Il ressentit alors sa gorge se serrer de plus en plus jusqu'à l'étouffement. Il avait face à lui son père et Monsieur Spinoza. Ils discutaient et riaient comme deux bons vieux amis.

Son père se tourna vers lui et prononça sur un ton hilarant:

- «Salut mon fils comment vas-tu? Ou étais-tu passé? Nous t'attendions pour boire un verre?»

Jack, abasourdi par la situation, répondit:

- «Mais papa, je te croyais mort, tu ne peux pas être là, ce n'est pas toi»

Le paternel portant son verre aux lèvres, le reposa précipitamment:

- «Mort? Tu plaisantes ou quoi? Un vieux con comme moi ne meurt pas si jeune. J'ai toute la vie devant moi. N'est-ce pas Greg?»

Et ils rirent à pleines dents.

Puis il continua:

- «Ne fais pas cette tête là, fiston. Nous devons tous payer et assumer nos actes pour continuer de donner un sens à notre existence»

Jack, effondré, se confessa malgré l'invraisemblance de la situation:

- «Rien ne sera plus comme avant papa. J'ai tout perdu. Ma famille s'est éloignée de moi et ne veut plus me voir. Je n'ai plus de travail. Je ne serai plus jamais un praticien respecté et honoré»

C'est alors que monsieur Spinoza fit la remarque suivante:

- «Nous devons tous lutter et nous battre contre nos propres démons Jack. Tu connais parfaitement bien les tiens, n'est ce pas?»

Jack se dirigea vers le réfrigérateur pour se prendre une bière médaille d'or. En se retournant, son père avait disparu et la créature du parking se tenait debout à la place de Monsieur Spinoza. Elle le regardait, immobile et imprévisible.

Elle prononça:

- «Je sais que tu les connais tes démons Jack. J'en suis sûr»

Et elle ouvrit sa gueule dévoilant des crocs gigantesques, dignes des plus effrayants loups garou londoniens durant l'époque victorienne. Elle hurla si fort que Jack lâcha sa bière qui se fracassa au sol. Puis le silence total, il n'y avait plus aucune présence étrange et anormale.

Jack tomba à genoux et pleura...Il pleura longuement en cette suave nuit d'été...

Dr PerkinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant