25: Ambiance méphistophélique pour une déclaration.

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Courir. Toujours courir. Encore et plus vite. Plus loins.
Dans les bruits des pas qui claquent, dans cette mer de sang que je ne peux voir et du béton qui agresse ma peau.

Suivre la lumière rouge.

La lumière rouge qui se balance au loins. Elle est floue, même quand je plisse les yeux.
J'entends le vent, j'entends des cris. J'entends mes cris. Des cris lointains et qui viennent d'un autre temps. Des réminiscences qui chuchotent des secrets aussi sales que dangereux.
Ils courent dans ma mémoire comme je cours, perdus, affolés, aveugles avec pour seul guide et seule directive la lumière rouge.

Ma respiration est fastidieuse, j'ai mal mais je redouble de vitesse sans que rien ni personne ne semble pouvoir m'en empêcher.
J'ai envie de hurler, mais la peur est si encrée en moi que je refoule ce hurlement. Je le refoule au plus profond de moi, encore, et encore, et encore. Dans un endroit qui, je crois, n'a pas encore été atteint et ce par qui que ce soit.
Il est si bien refoulé que c'est cet endroit tout entier qui hurle. Qui se déchire sous ce bruit, sous les cordes vocales qui se brisent en vibrant et qui pourtant, crient en un crescendo infernal que rien ne peux arrêter. Le sol vibre, l'air vibre, le sang qui englobe jusqu'à mes chevilles vibre.
C'est douloureux. Ce bruit inhumain, atroce, chthonien ne fait que croître, il est partout. Il est tout. Tous ce qu'il ne pourra jamais faire comprendre avec des mots, même les meilleurs et les plus méticuleusement choisis.
Il est invivable, plus que mortel il est la mort. Il est ma mort. Il est mort.
Muet, je cours toujours en le laissant brûler mes tympans de sa signification, et je mélange le sel de mes larmes au sang de ce cri, et avant que l'obscurité fatale me réveille, la lampe suspendue à la lumière rouge explose, révélant le contour d'une porte qui me rappelle il y a longtemps.

*

Je marche dans une rue inconnue, mon nouveau mentor à mes côtés. C'est étrange, je ne sais plus si je suis excité d'être avec un héros grâce à un stage, un héros qui sait pour mon alter et qui peut me conseiller ou si je suis lassé, fatigué de ne pas connaître un endroit où je peux être en sécurité, où je n'aurais pas à mentir, où tout ceci ne serait jamais arrivé.
Je regarde l'homme à côté de moi, cet homme en tenue de héros qui me voit comme la relève, qui a confiance.
Moi je ne préfère pas penser à cet avenir. Je préfère laisser mes rêves en sécurité au cas où je ne vivrais pas assez longtemps pour en voir plus que leurs contours.
Je veux vivre et je dois vivre. J'ai une mission, un héritage. Cet alter.
J'endure, j'encaisse. Je dois vivre.
Mais... il me pousse à bout. Toujours et encore.
Nous sommes dans le métro, et j'observe mon maître. Je ne vivrais pas autant que lui. Je ne... peut-être que je n'aurais même pas le temps d'avoir mon diplôme? Je tourne les yeux vers le trajet de notre ligne. Je me l'avoue enfin.
Un silence assourdissant et lourd empli ma tête, ma mâchoire et ma cage thoracique. Pourtant le métro nous fait doucement dodeliner.
Le déni a un goût amer et est lourd comme du plomb dans ma bouche, mais l'air est frais et empli les gens de légèreté. Même si la réalité est dure comme la justice, froide comme le fer et coupante comme une lame.
Je ne vivrais pas assez longtemps pour avoir mon diplôme.
En fait, au rythme où vont les choses, je ne vivrais plus au mois de juin. Je ne verrais plus les feuilles brunir et rougeoyer, tomber en une valse agile sur le sol rejoindre leurs congénères. Peut-être qu'aujourd'hui est le dernier jour où mes yeux voient un ciel clair, des nuages de cotons filer entre les coups de vents et de pluies. Le 12 novembre est un jour merveilleux pour mourir après tout.
Je retiens mes larmes sombrement et je regarde mon téléphone pour cliquer sur la notification que j'ai reçu. Un article bien illustré de héros et de dessins sanglants m'informent des spéculations et des actions de Stain, un vilain que je connais malheureusement par Iida.
Nous descendons quand je repense à mon ami, en larmes après nous avoir expliqué la situation dans laquelle son frère se trouve.
Je pense sombrement qu'au moins, ce dernier est en vie.
Je ne peux sûrement pas comprendre ce qu'il ressent. À part pour ma mère, je n'ai jamais connu une affection similaire à celle que mon ami a pour son frère, et encore ce n'est peut-être pas comparable...
*
Toujours est-il qu'après un drôle de concours de circonstances, je me retrouve dans une ruelle, plaqué contre un mur à écouter une conversation surréaliste entre les deux personnes auxquelles je pensais justement.
Je suis assez éloigné d'eux pour ne pas me faire repérer et pourtant une forte odeur de fer parvient jusqu'à moi et titille mes narines, me faisant réaliser que je vais devoir agir vite pour sauver mon ami et l'autre victime dont j'aperçois seulement la silhouette.
J'ai à peine le temps d'envoyer ma géolocalisation à tous mes contacts que le vilain s'apprête à porter le coup fatal, me faisant bondir or de ma cachette.
Je me précipite jusqu'à lui, et lui envoie mon poing dans la mâchoire, ce qui le fait quelque peu tituber et s'éloigner. Mes yeux perçoivent malgré moi l'état de mon ami et le sang qui s'étale ça et là en flaques épaisses, agressant mes sens par leur couleur et leur odeur.
Sans que je comprenne comment, je me met à repenser au grenier et aux actions qui s'y trament alors que je ferais mieux de me concentrer sur le vilain qui me fait face, qui est armé et qui ne semble pas vraiment ravi de mon intervention. Mon ami m'appelle faiblement, m'aidant un peu à reprendre pied avec la réalité alors que l'ennemi me fixe d'un regard mort.
Je réfléchi à toute vitesse, comprenant que Iida va avoir besoin de soins urgents comme l'autre victime et que le combat qui va suivre va être très limité en temps.
Nous réagissons presque en même temps et j'essaie de comprendre son alter tout en esquivant la lame brillante de son katana qui fait bondir mon cœur de peur à chaque fois qu'il se rapproche trop près de mon corps.
J'ai l'impression que ce dernier est lesté de plomb tant l'autre est agile et je manque de me faire trancher en deux quand un jet de glace se met entre nous deux, me faisant intérieurement pleurer de soulagement.
Le combat semble encore s'accélérer et j'ai du mal à suivre les événements jusqu'à ce que je sois immobilisé au sol, ce qui a le don de me faire prendre conscience de l'angoisse terrible que cette situation provoque en moi.
J'entends presque la voix grave à l'accent russe percer mes oreilles quand une larme coule de mes yeux et fini sur mes lèvres, puis sur ma langue avec un goût salé.
Le déclic se fait et je me met à hurler, expulsant par la même occasion cette peur qui me noue l'estomac.
- TODOROKI! Ne le laisse pas boire ton sang! Je tourne difficilement la tête pour voir mes amis, dont l'un manque de perdre un bras sous mes yeux, ce qui me fait miraculeusement retrouver l'usage de mes membres tout comme Tenya.
Un difficile combat s'en suit et je ne sais même plus comment nous finissons par le ficeler. Je m'approche de l'adulte amérindien pour lui faire reprendre conscience et ce dernier accepte mon aide avec un sourire et me soutient ensuite alors que nous sortons de cette ruelle, ruelle qui gardera des souvenirs bien trop sombres et néfastes pour que j'y remette un jour les pieds.

Sous nos apparences trompeusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant