5 - manque

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Elles étaient longues ces nuits à regarder dans le vide. À attendre la réponse. Impossible de savoir d'où elles venaient, ces nuits d'enfer qui n'avaient semble-t-il rien de mieux à faire qu'attendre qu'il vire à la folie. Quelque chose manquait. Impossible de savoir quoi. Impossible de comprendre d'où venait cette sensation pourtant profondément ancrée. Elle était nette comme un couteau planté dans la main. Quelque chose manquait. Chaque lettre de cette affirmation bien creusée dans l'espace. Les lignes fines et calculée de la calligraphie fantomatique hantaient sa rétine jusqu'à plus soif. Quelque chose manquait. La phrase tournait en boucle sur elle-même en une spirale parfaitement tracée. Inarrêtable. Incompréhensible. Quelque chose manquait. Même quand la journée revenait, même quand il retrouvait le tracé de ses lignes parfaites, même quand il avait repris ses esprits, il le sentait, quelque chose manquait, et il n'arrivait jamais vraiment à s'y faire.

S'il était honnête, sans doute qu'il avouerait que cette sensation était vieille, tellement vieille. S'il était honnête, il dirait peut-être enfin que s'il plongeait à cœur aussi perdu dans tous ces textes, c'était autant dans l'espoir de s'y noyer, que dans le but de combler le vide. Mais comment combler ce qui n'a pas de nom ? Comment soigner ce qui n'a pas de forme ? Comment réparer ce qui ne se voit pas ? Pourtant même sans nom, même sans forme et sans existence précise, quelque chose manquait, quelque chose se dérobait constamment. Quelque chose d'important. Depuis combien de temps cette sensation était là ? Difficile à dire quand la chose qu'on cherche à repérer se défile à chaque regard pour mieux changer d'apparence. En l'absence de réponse, il avait finalement décidé qu'il valait mieux ne plus y penser. La technique de l'autruche lui paraissait la meilleure chose à faire. Ça ne changeait pas grand-chose, dans les faits, la sensation restait obsédante, constamment présente, en sous-texte, cachée quelque part, attendant simplement le moment de pouvoir ressortir à fleur de peau.

Littéralement l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant