11 - Black out

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Il émergea le lendemain matin vers 10h45. Il n'était pas dans ses habitudes de veiller si tard, mais cela pouvait aisément s'expliquer par la double journée qu'il avait eu à affronter. Il lui fallut néanmoins quelques minutes pour comprendre ce qui l'avait poussé à se réveiller à cet instant précis. Il pouvait entendre dans le salon la sonnerie du téléphone. Il était rentré tellement fatigué qu'il n'avait pas pris la peine de l'éteindre. Pour être honnête, il n'y avait même pas pensé... Il avait simplement abandonné l'appareil sur la table basse, à côté de l'ordinateur et s'en était allé. Voilà qu'à nouveau la bête du diable sonnait, tentant vainement d'attirer son attention. Il se retourna en grognant. Maudit appareil, décidément, il aurait sa peau. La sonnerie mourut et Jilian put alors reprendre ses esprits au rythme qui lui convenait. Ou presque. La sonnerie se fit entendre quelques quinze minutes plus tard. Impossible d'ignorer l'appel lancinant.

Jilian se redressa, le dos toujours un peu endolori à cause de sa chute de la veille. Une douleur aigüe finit de le réveiller au moment où il se frottait les yeux. La paume de ses mains était criblée de petits graviers enfoncés dans la peau, parfois au milieu d'une égratignure. Il était étrange qu'ils aient réussi à passer la nuit là sans qu'il s'en rende compte. Étrange mais pas impossible. Le téléphone devrait attendre encore quelques instants... Il s'habilla, revenant cette fois à sa technique habituelle, à savoir piocher les premiers vêtements qui lui tombaient sous la main, et se dirigea vers la salle de bain où il put correctement nettoyer et désinfecter ses mains. Il hésita. Le téléphone insistait de plus en plus lourdement. Il lui semblait que la sonnerie commençait à hurler. Il fallait qu'il réponde au plus vite, l'air était chargé de cette tension. Même le petit réveil sur la tablette arborait un air de reproche confondant. Sauf qu'il se sentait vaseux, engourdi à l'extrême. Une douche s'imposait, une douche était nécessaire. Il ignora donc les hurlements de l'appareil démoniaque pour se glisser quelques instants sous un jet brûlant.

Ce n'est qu'après avoir massé son dos et ses jambes à l'aide du pommeau de douche qu'il se décida à aller au salon. Plusieurs appels manqués. Certains de sa mère, qui s'était finalement résolu à envoyer un SMS.

Salut Jilian, je voulais simplement savoir comment s'était passé ta rencontre finalement. Je suis à la maison le matin ou tard la nuit si tu veux me rappeler. Fais attention à toi.

Il sourit, c'était plutôt agréable de voir qu'elle pouvait s'inquiéter comme ça. Il ne savait pas très bien comment il pourrait lui raconter cette soirée. Il manquait de mot, encore une fois. Tous lui paraissaient incomplets. Dans l'ensemble, le mot qui semblait le plus convenir était « irréel ». Tout était flou et vaporeux. Impossible de faire correctement la mise au point sur quoi que ce soit. Il devrait peut-être renvoyer un message à Miranda, ne serait-ce que pour lui dire qu'il avait survécu, mais qu'il avait besoin de digérer l'événement pour pouvoir en parler avec elle. Ou avec tout autre être humain d'ailleurs...

Ce qui était plutôt fortuit. Car si sa mère avait l'habitude d'attendre qu'il daigne donner de ses nouvelles, ce n'était pas le cas d'Ilda, en tout cas pas aujourd'hui... Il était inhabituel, pour ne pas dire anormal, qu'elle le joigne par téléphone. Ce n'était certes pas la première fois que ça arrivait, mais cela restait un événement rare qui n'augurait en général rien de bon. Généralement une urgence, un traducteur soudainement incapable de finir dans les temps, ou bien l'agence traversait une mauvaise passe financière... Un appel d'Ilda était synonyme de charge de travail supplémentaire ou à l'inverse de diminution des missions. La majeure partie des appels en absence qui l'attendaient était d'elle. Elle n'avait pas laissé de message, ni envoyé de SMS. Deux possibilités : soit elle s'était fait volé son téléphone et quelqu'un essayait sciemment de le rendre fou, soit ce qu'elle avait à dire lui paraissait tellement urgent, tellement important qu'elle ne se voyait pas le dire par message. Il hésitait à rappeler quand le téléphone se remit à sonner juste dans sa main. Il décrocha donc directement, enfin après avoir manqué de le faire tomber sous le coup de la surprise.

Littéralement l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant