35 - méduse

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Ilda avait récupérée la boîte à chaussures. Elle avait insisté auprès de Miranda, qui de toute façon n'en voulait plus. Les secrets ne servaient plus à rien maintenant. Il était temps que Jilian ait enfin les outils pour comprendre son histoire. Elle l'avait donnée à Jilian durant le weekend, lui demandant s'il voulait qu'ils l'ouvrent ensemble. Il avait refusé, il voulait faire ça seul. Si bien que le lundi, Jilian avait sorti les cartes de la boîte. Toutes les cartes. Il les avait lues et relues... Tant de temps perdu, de rencontres volées. Jilian cherchait une chose, juste une, une adresse. Au milieu des cartes, il y avait un indice, un point de rendez-vous. Le dernier appel à l'aide. Ou plutôt l'avant-dernier, si on comptait La Fabrique du vide... Il hésita, triturant la carte.

« Tu crois qu'il t'attend encore ? Après tout ce temps ?

_Ce serait pire de ne pas y aller du tout non ?

_Mais tu es en retard Jilian Break... tu n'as pas fait dans l'ordre, pas posé les bonnes questions et maintenant...

_Maintenant on a tous les éléments. Alors ça serait pire de ne rien faire. »

Les deux autres n'avaient pas répondu. Plus aussi sûre d'elles qu'elles l'avaient été... De son côté, Jilian n'était sûr que d'une chose : il était temps d'agir, fini d'attendre. Terry avait raison, il ne pouvait pas se contenter des mots des autres éternellement.

L'ordinateur regagna à nouveau son sac de voyage, et presque sans un regard en arrière, Jilian partit pour ce qui aurait dû être leur point de rendez-vous. Cet endroit où les pluies les attendaient...

L'aquarium n'était pas dur à trouver. Il est rare que ce genre d'endroit soit dur à trouver... Il prit un billet. Le premier jour, il erra au fil des couloirs bleutés, ne sachant pas trop ce qu'il cherchait. Il glissait le long des parois en verre, ses yeux regardant sans voir. Origami courrait, agitée, cherchant où un enfant aurait jugé bon d'en attendre un autre. S'il n'était pas sûr de ce qu'il cherchait, Jilian trouvait l'endroit apaisant. Il y avait une lenteur dans l'eau qu'il appréciait tout particulièrement. Il abandonna l'idée de trouver dès le premier jour. Se laissant simplement errer, prenant possession de l'endroit comme il supposait que Terry avait dû le faire bien des années avant. Le flot de l'eau l'amenait souvent à se demander comment les choses se seraient passées s'il avait trouvé ses lettres à l'époque, s'il avait insisté auprès de sa mère pour avoir des réponses à ses questions. Tout aurait été différent... c'était une pensée vertigineuse et angoissante. À chaque fois qu'elle le frôlait, il pouvait sentir les aiguilles lui transpercer le visage... à chaque fois, détour par les toilettes, se passer de l'eau sur le visage, et recommencer... ne pas laisser cette idée l'envahir, car elle ne servait à rien. Elle ne lui permettrait pas de retracer les pas de son frère, ni de trouver comment relier les points... Non, il fallait avancer, marcher, remonter le fil, remonter les courants, jusqu'à ce qu'enfin, un sourire apparaisse sur son visage. Il avait trouvé. Mais il savait bien qu'il ne serait pas capable de rester, pas aujourd'hui, pas tout de suite... et de toute façon, l'heure de fermeture approchait.

Le deuxième jour, Jilian prit un pass. Ce serait plus simple... il savait que les choses prendraient du temps. C'était normal... et il devait leur donner ce temps-là. Il aurait été mal placé pour vouloir que les choses accélèrent maintenant. C'était à son tour de prendre son mal en patience. Juste retour d'ascenseur... Jilian traversa cette fois les couloirs bleutés avec assurance. Il savait où il allait. Direction le Passage des Méduses, un immense couloir-aquarium, dans lequel évoluaient des centaines de méduses fantomatiques. Le traducteur s'installa sur un banc et se perdit dans la contemplation de leurs mouvements, emmêlant ses doigts sans s'en rendre compte. Incapable de rester concentré sur quoi que ce soit, il essayait d'absorber l'énergie de la pièce. La façon dont le bruit traversait l'endroit, comment les conversations des différents groupes se mélangeaient en une bouillie étrange, comment les méduses semblaient bien se moquer de la présence ou non de visiteur, ou de leur nombre. Il tenta de choisir une méduse et de la suivre du regard. Même si très vite, la tâche se révéla impossible, il continua d'essayer, encore et encore, ne serait-ce que parce que leur mouvement était apaisant. Petit à petit, il commença à sentir qu'il trouvait sa place dans le courant de la pièce. Il se fondait dans le décor. Il avait trouvé le bon rythme... à partir de là, sans doute que les choses seraient un peu plus faciles. L'après-midi toucha à sa fin, et à nouveau, la fermeture s'annonçait. Lorsqu'il se releva, il était tout engourdi, comme après une journée de plongée...

Littéralement l'océanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant