Epilogue

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Je fermai les yeux quelques instants, laissant l'air frais du soir se faufiler entre mes cheveux.

– Qu'est-ce que tu comptes faire à propos de Roan ? me demanda Narmarcil.

– Je sais que je finirais par le tuer un jour, répondis-je sincèrement. Il ne m'échappera pas une seconde fois.

– Tu m'as dit que c'était lui qui avait assassiné ton frère, continua le jeune homme. Il devait bien s'en souvenir alors pourquoi n'a-t-il pas essayé, lui, de te tuer avant ?

– Je ne sais pas, avouai-je. Peut-être a-t-il eu peur...

– Les Vagants n'ont pas peur, répliqua le Cendre. Surtout pas Roan.

Je laissai un sourire éclairer mon visage avant d'ouvrir les yeux. Je contemplai un moment le ciel, voilé par la nuit. Les étoiles brillaient haut-dessus de nos têtes. Mon regard descendit alors sur la mer qui s'étendait en face de nous. La lune se reflétait dans les vagues en milliers d'éclats d'argent, traçant un chemin scintillant vers l'horizon.

– J'espère qu'on a fait le bon choix en détruisant ces gemmes, songeai-je à haute voix.

– Je pense que c'était le mieux pour tout le monde, m'assura le jeune homme. Maintenant, l'Evil est condamné à vivre dans cette prison pour toujours.

A nouveau, le silence envahit le balcon. Le bruit des vagues résonnait dans ma tête comme une mélodie envoûtante.

– Qu'est-ce que tu vas faire maintenant que tout est fini ? finis-je par lui demander.

– Je crois que je vais rester un peu à Thèbes pour commencer, affirma-t-il. Ensuite, j'irai sûrement explorer chaque recoin de ce monde.

Je laissai échapper un petit rire. Je découvrais une nouvelle facette de sa personnalité chaque jour. Ce bonheur fut vite rattrapé par la réalité et une vague de nostalgie m'envahit aussitôt.

– Et toi ? s'enquit-il.

Je fouillai un instant dans ma poche pour en sortir une feuille de Néphil. Alors que je m'apprêtai à la glisser entre mes lèvres, Narmarcil m'arrêta.

– Tu n'aurais jamais dû commencer avec ça, affirma-t-il tristement.

Je ne répondis pas, laissant ces souvenirs douloureux attaquer mon cerveau.

– C'est la seule chose qui me permet de... commençai-je en sentant la souffrance revenir.

– D'oublier ? compléta le jeune homme. Je sais.

Il prit doucement ma main, regardant les feuilles avec dégoût.

– Je sais ce que ça fait, continua-t-il. J'ai aussi sombré là-dedans. Mais je t'assure que cela ne t'apporte rien de bon. Ça te consume de l'intérieur, te rend dépendante.

Je me murais dans le silence, sachant parfaitement que ce qu'il disait était vrai.

– Promets-moi que tu n'en mangeras plus jamais, me demanda-t-il. Promets-le-moi.

Je réfléchis quelques instants, prenant le temps de mesurer les conséquences de cet engagement. Puis, une évidence s'ouvrit à moi : je n'étais plus seule. Ma sœur, Narmarcil, Raines, et tous les autres... Je ne serais plus jamais seule. D'un geste, j'ouvris la main, laissant les feuilles s'envoler dans le vent et disparaître dans l'obscurité. Le visage du Cendre s'illumina, comprenant très bien ce que cela voulait dire. Il serra ma main avec tendresse et, sans me quitter des yeux, retourna à l'intérieur. Lorsqu'il disparu derrière le mur du salon, je me tournai à nouveau vers la Mer de Valyria.

Je ne sus jamais si c'était le fruit de mon imagination ou si ce que j'avais vu était bien réel mais, alors que mon regard s'était perdu dans les vagues, le visage de Reewen était apparu. Un sourire flotta sur ses lèvres quelques instants et ses traits s'évanouirent à jamais dans l'ombre.

Eärwen : Les cendres du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant