Chapitre 18

1K 115 4
                                    


Le matin-même, on nous avait annoncé que la gouverneure nous laissait quartiers libres pour la journée. Cela ne m'avait pas étonnée, étant donné les récents événements, il lui fallait sûrement un peu de temps pour remettre de l'ordre dans ses plans. Juste avant le repas de midi, Narmarcil et moi étions allés voir Lenwë. Le jeune homme se remettait petit à petit de son état comateux et reprenait des forces.

En arrivant dans la salle à manger, des soldats avaient offert à chaque Cendre de la nuit une sorte de collier, les mêmes que ceux que portaient chacun de nos Equivalents. C'était une longue chaîne au bout de laquelle se balançait un joli pendentif en forme de croissant de lune et au milieu duquel était accrochée une pierre blanche. Un porte-parole d'Argawen nous avait expliqué que cet objet était destiné à nous faciliter la vie lorsque les effets de la fusion se dissiperaient. Selon lui, il s'agissait d'une petit merveille technologique : la pierre blanche se mettait à briller lorsque le soleil passait dans le ciel et, au contraire, le croissant de lune noir s'éclairait lorsque la nuit était tombée.

- C'est surtout une marque pour que les gens du peuple parviennent à nous différencier, m'avait alors glissé Narmarcil.

J'avais finis mon assiette sans rien ajouter puisque je savais pertinemment qu'il avait raison. Entre autre, j'avais remarqué que le fait de manger trois fois par jour me faisait petit à petit reprendre le poids que j'avais perdu ces derniers mois. Je me sentais plus forte, plus dynamique et je contrôlais mieux mes nerfs. Le reste de la journée s'était ensuite divisé entre les jardins de la tour centrale et la salle de repos du quatrième étage.

Alors que la nuit était sur le point de tomber, Narmarcil me proposa d'aller faire un tour à la bibliothèque que la gouverneure avait accepté de nous ouvrir pendant notre séjour à Emoria. En passant le seuil de la salle éclairée par des néons jaunâtres, mon regard se posa sur le jeune homme qui s'était immédiatement approché des rayons poussiéreux. La seconde d'après, il tenait déjà entre ses mains un énorme registre grisé par les années.

- Tu lis les recueils d'impôts maintenant ? lui demandai-je d'une voix moqueuse.

Il épousseta la couverture avant de s'approcher de moi.

- C'est bien un recueil, mais il ne parle pas d'impôts, assura-t-il très sérieusement. Ce livre recense les attaques qui ont été menées par Emoria pendant la 1ère Guerre des Deux Terres. C'est une véritable archive.

Un sourire s'étira sur mes lèvres en voyant son visage si captivé par sa découverte. Il commença à feuilleter les pages jaunies et je m'avançai entre les rayonnages en bois massif. La plupart des reliures colorées défilaient devant mes yeux sans attirer particulièrement mon attention. Pourtant, je finis par m'arrêter devant une étagère, montée un peu à l'écart du reste.

Je jetai un coup d'œil derrière moi : la salle était immense, si bien que j'étais incapable de voir Narmarcil de là où j'étais. Je laissai courir mes doigts sur le bois et sortis un livre un peu plus petit que les autres, le seul dont la couverture était d'un rouge sang éclatant. Le titre, imprimé en lettres d'or sur la première page, annonçait :
« Langue des Anciens »

En feuilletant l'œuvre pendant quelques secondes, je me rendis vite compte qu'il s'agissait d'une sorte de carnet de vocabulaire. Chaque feuille était séparée en deux colonnes. Les mots de notre langue étaient notés à gauche et leur traduction en langue Ancienne avait été retranscrite à droite. Je finis par m'asseoir à une table pour mieux me concentrer. Les mots en langue Ancienne étaient tous plus délicats que ceux de notre langage. Les syllabes étaient étonnamment mélodieuses et harmonieuses.

Ainsi, le mot « pierre » devenait
« Shole » et « flamme » se transformait en « Narm ». Cette constatation me tira un sourire et je jetai un coup d'œil vers Narmarcil qui avait entreprit de se rapprocher mais s'arrêtait pratiquement à chaque rayonnage. Le hasard avait apparemment voulu offrir le pouvoir du feu à l'enfant qui en portait le nom.

Eärwen : Les cendres du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant