Chapitre 28

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La nuit était tombée et un vent glacé s'était mis à souffler sur le désert. Pourtant, je n'avais pas froid. Je me tenais à une dizaine de mètres du mur de feu qui bloquait l'accès à la montagne. Je ne sentais pas la froideur de la nuit, au contraire, la chaleur insoutenable des flammes m'enveloppait si bien que quelques gouttes de sueur perlaient sur mon front tâché de suie.

Eressëa, debout à quelques pas de moi, observait autours d'elle en serrant la main de Dovahkiin dans la sienne. Atheleen était restée près de Lenwë, le plus loin possible des Cendres du jour, et attendait patiemment avec son éternel masque de lassitude. Devant toute cette assemblée, Narmarcil s'avançait vers le Brasier, aux côtés d'Andera que Celeborn avait été cherchée lui-même. Finalement, ils s'arrêtèrent à quelques mètres de la faille. Les deux Cendres se dévisagèrent un instant, plongeant leur regard dans celui de l'autre.

Lorsqu'ils reportèrent leurs attentions sur la barrière incandescente, quelque chose se diffusa dans l'air. Je regardais autours de moi, contemplant les soldats qui assistaient à la scène, impassibles. Personne ne semblait avoir ressenti ce changement dans l'atmosphère du lieu. Pourtant, quelque chose avait changé : l'air s'était imprégné de magie.

Après un instant de flottement, le brasier sembla se contracter. Les flammes reculèrent, tentèrent vainement de résister et finirent par se plier aux ordres silencieux qui leur étaient adressés. A l'intérieur de moi, je ressentais la moindre variation de cette force surnaturelle qui faisait frémir le sol sous mes pieds. Tout ce pouvoir concentré en un seul et même point suffisait à déformer l'atmosphère qui nous entourait.

- Ils vont y arriver... murmurai-je pour moi-même, stupéfaite devant ce spectacle irréel.

Les flammes s'écartèrent peu à peu, ouvrant une première brèche jusqu'au fameux escalier. Les minutes s'écoulèrent lentement et je sentais les deux Cendres s'affaiblirent un peu plus à chaque seconde. La barrière se modifiait, s'affaissant encore et encore. Après ce qui me parut être une éternité, tout s'éteignit en silence et le vent glacial heurta brusquement mon visage. L'obscurité avait repris ses droits et, par terre, il n'y avait plus qu'un sol de braises encore rougeoyantes. Un chant de murmures s'était élevé de la foule sans que je ne le remarque. Lentement, mon regard dériva jusqu'au capitaine Celeborn qui contemplait la scène avec intérêt.

- C'est incroyable, l'entendis-je murmurer malgré lui.

Depuis que je l'avais rencontré, c'était la première fois que je le voyais ainsi fasciné par quelque chose. Soudain, il sembla reprendre conscience et s'avança pour s'adresser à ses hommes.

- Je veux qu'une première équipe passe en premier, déclara-t-il. Seuls quelques Cendres entreront ensuite, accompagnés de plusieurs soldats.

Aussitôt qu'il eut prononcé ses ordres, les militaires s'animèrent et un groupe de gardes se forma près de l'entrée. Je les regardais enjamber les braises avec une pointe d'inquiétude. Puis, ils disparurent dans l'obscurité de la faille. Les minutes passèrent et la froideur de la nuit finit par m'envelopper cruellement.

- Tu trembles, me fit remarquer Narmarcil en s'approchant de moi. Il fait de plus en plus froid.

En effet, mon corps tout entier était parcourut de frissons irréguliers.

- La température n'a pas l'air de te déranger, constatai-je en désignant le pull de tissu léger qu'il portait.

Il ne répondit pas et sembla hésiter un instant avant de ramener ses yeux dans les miens.

- Donne-moi tes mains, me proposa-t-il en tendant ses bras vers moi.

Je m'exécutai et il serra mes doigts gelés dans ses paumes. Malgré moi, je fronçai les sourcils en sentant la chaleur anormale qui émanait de sa peau.

Eärwen : Les cendres du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant