Eärwen : Les cendres du ciel

Chapitre 12

Lorsque ma tête fendit l'eau, un souffle glacial effleura mon visage. Lorsque je tentai de me hisser hors du bassin, mon corps tout entier se mit à trembler. Mes dents s'entrechoquaient sans que je ne puisse les en empêcher. Le froid paralysait mes muscles et j'étais incapable de bouger. Je serrai les pierres dans ma main comme si ma vie en dépendait. Narmarcil émergea juste à côté de moi. Ses lèvres étaient devenues bleues et il grelottait autant que moi.

- Pour... quoi il fait ... aussi froid ? articula-t-il.

Je sentais que l'effet Narguis commençait à s'estomper et mes poumons insistaient pour que je respire. Alors que je retombai lourdement dans l'eau, quelqu'un cria :

- Ils sont là !

Erann et Eressëa accoururent et me hissèrent hors du bassin. Le jeune homme m'enveloppa dans une couverture tandis que la Cendre aidait Narmarcil à sortir. Des spasmes parcouraient mon corps, me secouant brusquement.

- Qu'est... Qu'est ce qu'il se passe ici ? bredouillai-je.

Erann m'aida à me relever.

- Appuie-toi sur moi, ordonna-t-il. On va remonter à la surface.

Je m'exécutai, les jambes tremblantes. Je devais me concentrer pour mettre un pied devant l'autre tellement mon corps semblait s'être vidé de toute son énergie. En relevant la tête, j'aperçus un flocon tourbillonner devant mes yeux.

- Erann, qu'est ce qu'il s'est passé ? insistai-je en contemplant le sol recouvert d'une fine pellicule de neige.

- Le Dôme s'est fissuré et on a dû faire quelque chose, expliqua-t-il.

- Quelque chose comme quoi ?

- Quelque chose comme ça, répliqua l'espion en désignant le plafond.

Je levai la tête et découvris qu'une coupole d'un bleu frigorifiant s'était formée au-dessus de nous, recouvrant le dôme de verre. Des pointes de glaces continuaient de s'allonger, pointant droit vers le sol.

- Le nuit s'est tombée il y a une dizaine de minutes, ajouta Erann.

- C'est Lenwë qui a fait ça ? murmurai-je stupéfiée par la beauté de ce spectacle.

Il hocha la tête et me conduisis, malgré ma démarche hésitante, jusqu'à la place centrale. Les Apoliens s'y étaient réunis et contemplaient, comme moi, l'ouvrage phénoménale, presque irréel, d'un Cendre. Derrière eux, un escalier de glace disparaissait dans le plafond. En nous voyant arriver Auréane s'avança, le regard emplit de gratitude.

- Vous avez réussis, souffla-t-elle. Et vous êtes en vie.

- Nous devons partir, affirma Erann. La brèche ne tiendra pas longtemps.

La prêtresse ne se formalisa pas de son impatiente et se contenta d'acquiescer.

- Et pour votre citée ? m'inquiétai-je. La glace ne tiendra pas éternellement.

La vieille femme réprima un sourire avant d'assurer :

- Ce n'est pas la première fois que nous devons reconstruire ce Dôme. On y arrivera.

J'avalai ma salive, la gorge sèche. Elle me tendit sa main et je la serrai avec émotion.

- J'espère que nos routes se croiseront à nouveau, affirma-t-elle.

- Je l'espère aussi.

Mes yeux se détachèrent de son visage pour se poser sur l'escalier. Erann me fit avancer jusqu'en bas en me soutenant avant de me laisser monter seule.