La brume enveloppait la Faille, donnant aux deux Vagants qui me précédaient une allure fantomatique. Depuis quelques minutes, le chemin s'élargissait à nouveau. Le soleil commençait tout juste à descendre lorsque j'entrevis le bout du tunnel.– On arrive ! s'écria Eena.
– Oui, murmurai-je pour moi-même. Enfin...
Lorsque la Faille prit fin, une grande plaine s'ouvrait devant nos yeux ébahis.
– Même si je reviens une centaine de fois, je pense que ça m'émerveillera toujours autant, déclara Roan en passant à côté de moi.
En effet, au milieu de l'étendue d'herbe, s'élevait une tour cylindrique si haute que l'on ne pouvait en apercevoir le sommet. De gigantesques nuages gris recouvraient le ciel et donnaient au lieu un air menaçant.
– Rassure-moi, commença Narmarcil en pointant la tour du doigt. Dis-moi qu'on ne doit pas monter jusqu'en haut.
Un faible sourire éclaira mes lèvres, aussitôt remplacé par une vague de doutes.
– J'ai bien peur que si...
– Aller, on avance, ordonna Roan. Si on est assez rapides, on passera la nuit dans la tour.
Marcher était plus facile maintenant que nous savions à peu près combien de temps cela durerait. Malgré le rythme élevé auquel nous avancions, la nuit tomba avant que nous ne puissions atteindre les murs de cette forteresse de pierre. Ce n'est que lorsque l'obscurité la plus totale recouvrit la plaine que Roan poussa la lourde porte d'entrée. La première salle était sombre et poussiéreuse. Du coin de l'œil, j'aperçus Narmarcil qui, par reflexe, tendit le bras en avant pour faire apparaître une flamme. Son visage s'assombrit lorsqu'il réalisa que rien ne se produisait. A sa droite, Eena et Noham sortirent deux petites lampes torches et éclairèrent la pièce.
– Je croyais que la technologie n'était réservée qu'à l'armée et aux dirigeants, remarqua Atheleen.
– On les a volées à une patrouille de l'AEM le mois dernier, expliqua Eena en souriant. Mais tu as raison, la majorité des technologies, surtout les armes, sont exclusivement à la disposition des forces armées. C'est à peu près la seule chose sur laquelle les deux Terres sont d'accord.
– D'un côté, il y a les villages de campagne comme Palence à Erforgon ou Troad à Argedhen où les gens mènent une vie très simple et utilisent encore des forges. Et de l'autre, il y a les capitales comme Nymphe et Emoria où la technologie est beaucoup plus présente, ajouta Noham. Là-bas, les armes sont produites en usines et les immeubles sont dotés d'ascenseur ou de portes coulissantes. Tu as déjà vu un ascenseur autre part qu'à Nymphe ou Emoria ?
– Non, effectivement, accordai-je. Mais je trouve ça dommage de ne pas étendre ce savoir.
– Et au milieu, il y a nous, les Vagants, déclara Roan en s'avançant dans la pièce. On vit de ce qu'on trouve et on récupère la technologie lorsque c'est possible. Mais pour l'instant, on doit dormir. Si les mythes sont vrais, l'ascension qui nous attend ces prochains jours risque d'être vraiment éprouvante.
Un courant d'air frappa mon visage lorsque Atheleen referma la porte derrière elle. Sans parler plus, je m'allongeai dans un coin de la salle. Quelques minutes plus tard, Narmarcil vint se coucher près de moi. Mon regard croisa le sien à peine une seconde mais cela suffit à ce que je comprenne son affirmation silencieuse : j'ai besoin de toi.
– Je serai là, soufflai-je.
Un tendre sourire éclaira le visage du jeune homme et il ferma les yeux. Alors que je m'apprêtai à en faire de même, je vis briller deux iris verts à quelques mètres. Deux iris dans lesquels je distinguai une tristesse amère. Je détournai la tête et me laissai envahir par le noir et le silence de la pièce.
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Eärwen : Les cendres du ciel
FantasíaLa nouvelle loi est claire : Désormais, les Cendres sont considérés comme dangereux. Ceux qui ne livrent pas ces enfants doués de magie au gouvernement risquent la peine de mort. Comme beaucoup d'autres, mes parents ont refusé d'obéir mais l'armée a...