Chapitre 32

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- Pourquoi Argawen a-t-elle accepté de te laisser rester ici ? demandai-je à Reewen. Tu devrais être en prison.

Raines était partie quelques minutes plus tôt, encore troublée par le brusque affaissement de l'arbre, nous laissant seuls dans la pièce. Le jeune homme était retourné dans son fauteuil, le regard perdu dans le vide. De temps à autre, ses yeux se posaient sur mon visage et ses iris couleur émeraude contemplaient mes traits avec une étrange attention, comme s'il tentait vainement de se rappeler quelque chose.

- Selon la loi, tu n'aurais même pas dû poser un pied dans cette chambre, insistai-je. Alors pourquoi es-tu ici ?

Pour la première fois depuis plusieurs longues minutes, il releva lentement la tête vers moi.

- Je voulais te voir... lâcha-t-il finalement d'une voix rauque.

- Tu as dis que tu me détestais. Tu as... essayé de me tuer...

- Il y a des images dans ma tête, depuis qu'on m'a enfermé dans ce... cet... je ne sais même pas ce que c'était. Un hôpital ? Une prison... Tu apparais sur toutes ces images, sans aucune exception. Et tu tues. Tu tues à chaque fois. J'étais tellement persuadé que tu étais un monstre, et, maintenant encore, ça paraît tellement réel que... je ne sais pas... je ne sais plus.

Mon regard glissait le long de son visage. Il semblait confus, perdu, comme un enfant apeuré.

- Je n'arrive plus à démêler le vrai du faux, ajouta-t-il d'une voix tremblante. Et puis il y a cette petite voix au fond de ma tête. Elle me dit de ne pas te faire de mal, de ne pas commettre l'irréparable. Je n'arrive pas à choisir un sentiment à éprouver à ton égard... De la haine ou... peut-être... de l'amour.

Je ne parlais plus, le laissant m'ouvrir son cœur d'une voix hésitante. A cet instant là, il avait l'air si vulnérable que j'en avais la gorge serrée.

- La gouverneure a demandé à me voir lorsque je suis arrivé, expliqua-t-il. Elle savait ce que j'avais fait. Elle avait besoin d'informations. Elle voulait savoir comment s'organise l'armée de l'autre côté de la frontière. J'ai négocié avec elle. Je lui disais ce qu'elle voulait savoir et, en échange, elle me laissait rester près de toi jusqu'à ton réveil.

- Et maintenant ? Maintenant que je suis réveillée ?

Le jeune homme ne me répondit pas.

- Elle va t'envoyer en prison pas vrai ?

Toujours aucune réponse. A nouveau, il avait baissé la tête et ses yeux étaient rivés sur le sol.

- Reewen... murmurai-je alors.

Depuis mon lit, je le vis tressaillir en entendant ce prénom sur mes lèvres.

- Je n'ai pas tué tes parents. Et je n'ai pas tué les miens non plus.

- Je sais, répondit-il. Je crois que je commence à comprendre ce qu'il s'est passé. Ce qu'il me faut... c'est juste un peu de temps.

Au même moment, la porte s'ouvrit pour laisser place à deux soldats en uniformes écarlates. Ils étaient armés et entrèrent dans la chambre sans explication. Lorsqu'ils se dirigèrent vers Reewen, je compris ce qu'ils étaient venus faire.

- Laissez-le, ordonnai-je faiblement. Laissez-le tranquille...

- Nous avons des ordres à exécuter, répliqua un des deux militaires. Nous devons ramener l'assassin dans sa cellule.

Ma tentative fut vaine. Sous mes yeux impuissants, ils s'emparèrent du jeune homme, et, après avoir défait ses entraves, le poussèrent hors de la pièce sans ménagement. Avant de sortir, un des deux hommes se retourna vers moi.

Eärwen : Les cendres du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant