Chapitre 16

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- Aujourd'hui, nous allons parler de deux choses que personne n'est capable d'empêcher, déclara Argawen en faisant quelques pas vers le centre de la pièce. Le jour et la nuit. La moitié d'entre vous sont des Cendres du jour. L'autre moitié sont des Cendres de la nuit. Ces deux éléments sont incontrôlables et c'est pourquoi, jadis, on a décidé de vous répartir selon eux. Même si vos pouvoirs sont limités, il existe la théorie de la fusion qui expose le fait que deux Cendres Equivalents sont capables d'unir leurs pouvoirs et ainsi devenir indifférents au jour ou à la nuit.

Quelques murmures s'élevèrent dans la bande d'adolescents qui contemplait la gouverneure avec intérêt. Cette dernière sembla ravie du petit effet que sa déclaration venait de produire et poursuivit :

- Néanmoins, l'équilibre de cette fusion ne serait pas parfait et ne tiendrait que quelques temps.

- Quelques temps ? l'interrompit Narmarcil. Combien de temps ?

- Durant six à sept jours tout au plus, répondit-elle après une brève réflexion.

- Et comment sommes-nous censé arriver à déclencher cette fusion ? s'enquit une jeune fille brune, debout à côté de Meliane.

- Les deux Cendres Equivalents doivent accoler leurs mains, paume contre paume, pendant plus de cinq secondes pour que leurs magies s'assemblent.

Une dizaine de questions s'enchaînèrent ainsi pendant plusieurs minutes. J'observai la scène avec attention. Puisque je n'avais pas d'Equivalents, on ne m'avait pas conviée à cette petite réunion, mais lorsque Narmarcil m'a mise au courant, j'ai décidé que cela pourrait être utile d'en savoir un peu plus sur ce qui a écrasé toute ma vie. Malgré ça, je demeurais un peu en retrait, à côté de la porte d'entrée.

En face de moi, les immenses fenêtres de verre donnaient sur la ville. Après l'émeute de hier, Argawen Windal avait fait fermer le bâtiment et nous avait interdit de sortir. Nous avions été répartit dans des chambres au cinquième étage. Au-dessus de nous, il y avait les appartements des Cendres du jour et le dernier étage était dédié aux quartiers de la gouverneure. Cela faisait plusieurs semaines que je n'avais pas dormi dans un véritable lit. Le soir d'avant, en passant devant le miroir de la salle de bain, je ne m'étais pas reconnue.

En contemplant ma peau sale et mes yeux cerclés de cernes je m'étais trouvée l'air absente. Avant d'aller dormir, j'avais décidé de prendre une douche pour retirer la poussière qui s'était accumulée dans mes cheveux. C'était là que j'avais découvert avec dégoût les nombreuses marques de piqûres éparpillées un peu partout sur ma peau, de mon ventre à ma nuque. Cette constatation avait attisé la haine que je gardais enfermée au fond de moi. Je ne voulais plus jamais servir de cobaye comme cela avait été le cas. Plus jamais.

- Il a refusé de venir n'est-ce pas ? s'enquit une jeune fille en s'approchant de moi.

Je me retournai vivement vers elle, la faisant sursauter. Son visage fin était fin et délicat et ses grands yeux noirs me fixaient avec étonnement.

- Ton ami, précisa-t-elle. Le blond, celui qui doit être mon Equivalent.

- Aslann, finis-je par comprendre. Il n'est jamais d'accord avec rien.

- Il ne devrait pas se montrer aussi méfiant, affirma la jeune fille. Argawen souhaite juste l'aider.

- Je crois que ce qu'il a vécu le force à être méfiant, déclarai-je après une brève hésitation.

Elle ne répondit pas, se contentant d'hocher pensivement la tête. Je la contemplai un instant et quelque chose attira mon attention. La pointe de son oreille droite était coupée, comme si elle avait été blessé plus jeune. Je clignai des yeux plusieurs fois avant de comprendre que je ne rêvai pas. La jeune fille sembla remarquer mon trouble et esquissa un léger sourire.

Eärwen : Les cendres du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant