Chapitre 17

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Le jeune homme était allongé sur la table. Son visage avait la pâleur de la mort et sa peau était bleuie par les coups qu'il avait reçus. Du sang avait séché au-dessus de son œil droit et sous son nez. Mon regard balaya rapidement le reste de son corps. Ses jambes et ses bras étaient constellés de tâches bleuâtres qui tiraient lentement sur le noir.

La main de Narmarcil s'agrippa à la mienne en découvrant l'horreur. Je vis ses yeux s'embuer en contemplant le corps inanimé de son ami. Des larmes silencieuses roulaient sur ses joues tandis que ses doigts s'accrochaient à mon poignet comme si j'étais le seul lien qui l'unissait encore à la réalité. Le silence qui planait dans la pièce me faisait mal. Les autres étaient arrivés juste avant nous.

Atheleen était debout dans un coin de la salle. Si je ne l'avais pas observée pendant des semaines entières, j'aurais pu dire qu'elle était indifférente à la mort d'Aslann. Seulement, je commençai à la connaître un peu mieux et j'arrivai à distinguer l'effondrement derrière son masque de froideur. Son regard acier croisa le mien un instant et je perçus la tristesse qui l'accablait au plus profond d'elle-même. A quelques mètres d'elle, Eressëa étreignait Dovahkiin, fermant les yeux pour empêcher les larmes de s'en échapper. Soudain, la porte s'ouvrit à nouveau, dévoilant Argawen, le visage atterré. Ses yeux se posèrent immédiatement sur le corps étendu devant elle.

- Je... Je ne sais pas quoi vous dire, murmura-t-elle. Il est sorti de la tour sans qu'on ne le voie.

Elle laissa échapper un soupir navré avant de reprendre.

- Nous avons arrêté un suspect. Même s'il a été frappé par la foule, il y avait plusieurs personnes qui menaient l'attroupement.

- Je... Je veux le voir, articula Narmarcil.

La gouverneure se figea un instant, surprise par cette revendication, mais finit par hocher la tête.

- Vous n'avez qu'à me suivre, déclara-t-elle avant de quitter la pièce.

Narmarcil me lança un regard avant de se détacher de moi pour lui emboîter le pas. Atheleen le suivit, filant comme un courant d'air. Eressëa hésita une seconde mais finit par passer la porte avec Dovahkiin, non sans avoir lancé un dernier regard derrière elle. Je me retrouvai seule près de la table. Je me rapprochai encore un peu du corps sans vie, étendu devant moi. Du bout des doigts, j'effleurai la main glacée du jeune homme.

- Je suis désolée, murmurai-je. Je suis tellement désolée...

Puisque tous étaient partis, je laissai les larmes rouler le long de mes joues. Les sanglots me secouaient tendis que mes doigts s'agrippaient à ceux d'Aslann. J'eus un sursaut lorsqu'une main se posa doucement sur mon épaule. J'essuyai mes yeux rougis d'un revers de manche avant de me retourner. Arik me regardait, un air triste peint sur le visage. Son regard dériva sur le corps recouvert de contusions.

- Ils l'ont traîné jusqu'à la Place du Talion, dans le cercle, soupira-t-il.

L'expression confuse qui planait sur mon visage l'incita à continuer.

- Il y a un endroit à Emoria, juste devant les portes de la ville, qui a été nommé la Place du Talion. Un cercle est gravé sur le sol, c'est là que Liam Eowyn a été exécuté par Abel. Ce jour-là, Abel a appliqué ce qu'on appelle la loi du Talion : le châtiment identique à l'offense. Après ça, le peuple a décidé que quiconque traînerait quelqu'un dans ce cercle aurait le droit d'exercer sa propre justice pendant dix minutes sans que personne n'intervienne.

- Et les soldats ? murmurai-je en avalant douloureusement ma salive. Ils les laissent se battre ?

Arik sembla embarrassé mais répondit.

Eärwen : Les cendres du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant