Hedda avait passé une courte nuit. Sa petite escapade l'avait fait rentrer tard dans la nuit. Cependant, ce matin, la jeune fille ne sentit pas la fatigue. Elle ne sentit pas non plus les mains des servantes frotter sa peau lors de son bain. Tout comme elle ne sentit pas le gout de la nourriture qu'elle avala ce matin-là. Tout lui paraissait fade, insipide. Tout, sauf les cloches qui ne cessaient de tinter depuis l'aube, rappelant l'heure approchant de la cérémonie.
Lorsque des gardes vinrent la chercher, Hedda lissa les plis de la robe noire qu'elle portait puis les suivit à travers les dédales du château. Bientôt, ils se retrouvèrent dans la haute-cour entourés par tous les plus hauts dignitaires du Royaume et par quelques cousins et familles proches. Ignorant les gens qui l'entouraient et la saluaient, Hedda se dirigea vers sa mère qui l'attendait devant les immenses portes noires et dorées de la crypte royale. Comme le voulait la tradition, les plus proches parents devaient passer les portes de la crypte en premier pour se rendre dans la chambre funéraire, suivis par le reste de la cour.
Sa mère la salua d'un geste de la tête, le visage fermé. Les deux femmes attendirent Rurik, qui ne tarda pas à se montrer entouré de sa femme, de ses trois enfants et de ses propres hommes. Il salua la reine et sa fille avant de congédier ses gens d'un simple geste de la main. Felba, la femme de Rurik, se tenait en retrait de son mari.
La duchesse de Gorurn, épouse de l'oncle d'Hedda, était une femme au caractère froid et hautain. Fille de l'empereur d'Orion, elle tenait de sa famille leur légendaire chevelure aussi noire que l'ébène. Ses yeux verts scrutaient tout ce qui l'entourait avec dédain et amertume et sa bouche pincée montrait bien qu'elle n'avait pas choisis de moisir dans ce pays encore plus glacial qu'elle. Il n'était secret pour personne que la duchesse de Gorurn n'avait pas beaucoup de respect pour les gens de la cour du Royaume de Borun et encore moins pour ces femmes guerrières. Elle venait d'un pays où voir des femmes se battre et gouverner était un blasphème et où leur simple rôle était de donner naissance à des héritiers forts.
Accroché à ses jupons, se trouvait Iorn, le petit cousin d'Hedda âgé de 4 ans, dont les yeux vairons hérités de son père semblaient scruter avec peur tout ce qui l'entouraient. Ses cheveux bruns tombaient devant ses yeux et ses bras chétifs s'agrippaient fermement à la robe de Felba de peur qu'elle lui échappe. Encore derrière, Biôrn, le fils ainé de Rurik, se pavanait dans ses nouveaux habits. Du haut de ses 10 ans, il posait son regard vert plein de défi sur quiconque oserait le défier. En tant qu'héritier du duché de Gorurn, le petit cousin de Hedda avait été plus que gâté par sa mère et son père durant son enfance. Il semblait d'ailleurs être le seul être sur Terre dont se soucia un tant soit peu Rurik. Chassant d'un revers de la main une mèche de cheveux noirs de son front, il s'adressait avec le même dédain que sa mère à sa jeune sœur Àlfdis, qui douce et gentille comme elle était n'osait rien lui répondre. L'enfant de 6 ans se cachait plutôt derrière ses mèches de cheveux blonds, la tête baissée. Nul ne savait comment l'enfant avait pu avoir des cheveux blonds alors que ni son père, ni sa mère ne l'étaient. Ses mains agrippaient fermement sa robe noire et elle se contentait d'hocher la tête aux dires de son frère ainé.
L'attention d'Hedda revint sur son oncle qui, après avoir échangé quelques mots avec sa femme, se tourna vers la reine.
« Nous ne devrions pas tarder. » Dit-il, son air sévère sur le visage. « Je souhaiterais en finir au plus vite.
-La tristesse semble vous étouffer, Rurik. » Rétorqua la reine, toisant son beau-frère d'un air dédaigneux.
« Mon cœur pleure en silence, Djada. Tout comme le vôtre si je ne m'abuse. »
Hedda fronça les sourcils. Elle n'avait jamais entendu son oncle utiliser d'autres termes que les titres officiels pour s'adresser à quiconque, hormis sa femme et ses enfants.
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Les Yeux de la Chouette
FantasyC'est le choc pour Hedda, l'héritière du royaume de Borun. Elle, qui avait eu jusque là une vie paisible, découvre à ses dépends la signification du mot "complot" et perd tout ce qu'elle possède en l'espace de deux semaines : ses parents, son trône...