Chapitre 21

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Une immense procession d'un peu moins de quatre milles guerriers traversait la forêt gelée et déserte du duché d'Arun. À leur tête, Hedda montait fièrement son cheval, assistée par Vadir qui se tenait à sa droite. Cela faisait quatre jours que l'armée avait quitté Njóla et se dirigeait vers Skórborg. Selon les estimations de Vidkun, le duc de Korn, ils ne tarderaient à arriver. Les hommes commençaient à fatiguer et Hedda sentait bien que des tensions commençait à monter dans les rangs. En même temps, la jeune femme avait ordonné à ses troupes de se mobiliser en quelques heures seulement et elle ne leur avait accordé que de courtes pauses, désireuse de rejoindre le duché d'Arun au plus vite. Même elle avait les jambes fourbus et le dos raides.

« Messire Vidkun, dit-elle finalement en se tournant vers l'arrière, dans combien de temps estimez-vous que nous arriverons ?

-Nous ne devrions pas tarder à voir Skórborg. » Répondit-il.

Hedda le remercia d'un geste de la tête et se retourna. La route était dégagée de tout arbre, laissant aisément son armée se déplacer. D'une largeur colossale, elle aurait permis à cinq chariots d'avancer côte à côte. Cependant, la cime des arbres empêchait la jeune reine de voir très loin.

Mais, quelques minutes plus tard, elle vit surgir après un tournant, une grande colline en haut de laquelle se trouvait la forteresse de Skórborg. Le relief avait été complètement rasé de toute forêt. Presque inconsciemment, Hedda pressa encore plus le pas à la vue de la cité. Elle finit par déboucher sur une zone complètement vierge de toute forêt. D'après ce qu'elle vit, elle avait été rasée sur plus de deux kilomètres autour de la colline afin d'éviter que quiconque n'approche de trop près le fort sans que l'on ne l'aperçoive. C'était un travail impressionnant et pharamineux. Derrière elle, les soldats semblaient s'agiter, sûrement revigorés par leur arrivée proche.

Au pied de la colline, qui était relativement haute, se trouvait la petite ville de Skórborg qui s'étalait sur le versant ouest. La jeune femme ne s'attendait pas à une grande ville, mais elle fut surprise de se trouver devant une si petite ville pour un duché. Hedda avait pensé que Skórborg aurait une taille plus que conséquente, se rapprochant plus de Sígrborg. Cependant des maisons commençaient petit à petit à gravir la colline afin d'éviter d'empiéter sur la zone plane et de permettre à la ville de grossir.

Après une grosse demi-heure de marche, l'armée arrivait bientôt à la lisière de la ville. Les soldats s'arrêtèrent un peu avant l'entrée de la ville pour installer le campement sous les ordres des sergents, tandis que les plus hauts gradés se dirigeaient vers le château. De nombreuses personnes s'étaient déjà rassemblées à l'entrée de Skórborg pour observer l'étrange cortège qui arrivait. On racontait que la fille du défunt roi menait les troupes. Certains pensaient que c'était elle qui avait tué ses parents. D'autres prétendaient que son horrible oncle avait massacré tous les nobles durant l'englacement de feu sa majesté le roi Odomar. Personne ne savait réellement la vérité, mais tous furent impressionnés par l'allure de la nouvelle – et autoproclamée – reine du Royaume de Borun.

La jeune femme se tenait droite sur son cheval d'un noir profond. Le regard glacial hérité de sa mère se balada quelques instants sur les petites gens qui s'étaient agglutinées dans les rues de la ville pour les voir passer. Le regard si spécial de la jeune femme en fit frémir certains et en éblouit d'autres. Les longs cheveux blancs et les tatouages sur le visage de la jeune femme auraient pu faire croire à n'importe qui qu'elle venait des tribus du Nord si elle n'avait pas possédé les pupilles de la maison Ynghriorn. Une clameur se dégageait de la foule pour qui voir un membre de la famille royale relevait de l'incroyable.

Au fond d'elle, Hedda n'en revenait pas. Tant de gens semblaient émerveillés à sa simple vue. Elle, qui ne s'était jusqu'à maintenant jamais confronté à une foule en dehors de celle de la cour du château, ne pouvait croire l'admiration qu'elle lisait sur les visages d'une partie de la foule.

Les Yeux de la ChouetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant