Chapitre 8

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Si, au début, Hedda n'avait pas ressenti la morsure du froid à cause de l'adrénaline, l'air glacial de la montagne n'avait pas tardé à s'infiltrer sous ses habits. La jeune fille était complètement gelée. Sa robe, aussi lourde et épaisse soit elle, ne la protégeait pas du froid mortel du Nord. De plus, sa côte, sûrement cassée, la lançait atrocement à chaque à-coup du cheval. Le sang qu'Hedda avait perdu à cause de cette blessure, et qu'elle continuait à perdre, la vidait à petit feu de ses forces, mais elle ne pouvait s'arrêter pour la soigner un minimum. Ils devaient mettre le plus de distance entre eux et le château.

À ses côtés, ses compagnons ne se portaient pas mieux. Imrân et Afzal'h, originaires d'un pays chaud, semblaient au bord de la perte de connaissance. Leurs yeux peinaient à rester ouverts et leurs mains et leurs oreilles avaient pris une teinte sombre inquiétante. Finalement, Vadir était celui qui s'en sortait le mieux. N'étant pas blessé et parce qu'il avait passé plusieurs mois dans ce froid polaire, c'était indéniablement le plus vigoureux, bien que même lui n'était pas en glorieux état. Tremblant sur sa monture, ses lèvres ouvertes par le froid ne semblaient plus capables de bouger et de forts tremblements avaient pris possession de son corps. Le soldat semblait épuisé. Hedda continuait cependant sa course, brides abattues, dans le noir, se guidant en direction du Grand Nord grâce au ciel. Heureusement pour eux, le petit groupe était redescendu assez en altitude pour que quelques arbres décorent le paysage de temps à autre. Ils pourraient donc probablement faire du feu lorsqu'ils s'arrêteraient.

Soudain le bruit sourd d'un corps qui chute stoppa Hedda dans sa course. En se retournant, elle vit qu'Imrân était tombé de sa monture, inconscient. Elle revint sur ses pas au trot, tandis que Vadir, qui était descendu de son cheval, aidait l'homme à demi-conscient à remonter en selle.

« Vous ne devez pas vous endormir. » Réussit à dire par-dessus le vent Hedda. « Sinon vous signez votre arrêt de mort. »

Afzal'h n'eut même pas la force de répondre. Une fois qu'Imrân fut remonté en selle, à demi conscient, Vadir se tourna vers Hedda.

« Votre Altesse Royale, nous devons faire halte ou bien nos deux compagnons ne survivront pas. » Dit-il en s'approchant d'un pas lourd et fatigué. « Vous êtes vous-même blessée et au bord du malaise et nos montures sont exténuées. Messire Rurik n'enverra personne à notre recherche avant demain matin et quand bien même il le ferait, la probabilité qu'ils nous débusquent dans ces montagnes est extrêmement faible. Ils ne savent même pas dans quelle direction nous allons. »

A bout de force, Hedda finit par hocher la tête.

« Trouvons un endroit où nous abriter du vent. » Déclara-t-elle.

La jeune fille scruta autour d'elle mais la neige qui tombait et la noirceur de la nuit empêchaient Hedda de voir à plus de quelques mètres. Cependant, étant à flan de montagne, elle savait qu'une multitude de grottes se cachaient par ici. Les montagnes de Bjudõrn regorgeaient de petites cavités creusées dans la roche. Il fallait juste réussir à les débusquer.

Le groupe reprit ainsi sa route au pas, guettant la moindre paroi rocheuse où aurait pu se cacher une grotte. Malgré la fatigue, le froid et les ténèbres qui régnaient, Hedda et Vadir pistaient la moindre faille, Imrân et Afzal'h n'étant pas aptes à cela. Cependant, en dépit de toute leur bonne volonté, les cavités rocheuses semblaient bien cachées et la nuit avançait en même temps que le froid. Petit à petit, Hedda sentait ses forces quitter son corps. Pendant un instant, elle crut qu'elle allait mourir. Ses yeux se fermaient tous seuls et le froid engourdissait ses membres. Sa tête lui paraissait lourde, mais la jeune femme fit tout pour tenter de se maintenir éveillée. Elle ne devait pas dormir.

Les Yeux de la ChouetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant