Chapitre 9

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Pour la première fois depuis plusieurs jours, la neige avait cessé de tomber. Quelques timides rayons de soleil frappaient les sommets enneigés des montagnes de Bjudõrn qui scintillaient de mille feux. Malgré tout, le froid restait mordant et glacial, bien moins que les jours précédents mais toujours trop froid pour ne pas trembler. Autour d'un petit feu, Hedda se reposait. Le petit groupe s'était arrêté après avoir marché toute la matinée. Il avait trouvé refuge sous trois pauvres conifères qui arrivaient tant bien que mal à pousser malgré l'altitude et le froid. La jeune fille avait allumé un feu avec les quelques branches les moins mouillées qu'elle avait pu trouver.

Le feu était loin d'être un brasier qui les aurait tous réchauffé. À cause des branches mouillées, il dégageait beaucoup de fumée qui faisait tousser de temps à autre Vadir et Afzal'h et peinait à survivre sur ce sol détrempé. Malgré tout, ses petites flammes réchauffaient un tant soit peu les compagnons. Le sol sur lequel ils étaient assis était complétement gelé mais le conifère qui les abritait empêchait à une grande partie de la neige d'atteindre le sol ce qui faisait qu'Hedda et les hommes n'étaient pas complétement trempés.

La jeune fille observait son feu, le regard vide. Depuis sa nuit dans la grotte, son cœur s'était empli de rage et elle n'avait plus qu'une obsession en tête : reprendre ce qui lui avait été arraché. Cette idée tournait en boucle dans sa tête et l'aidait à tenir le rythme car ne se nourrissant que de racines et de chauves-souris trouvées dans les grottes, le petit groupe commençait à dépérir. Plus d'une fois, Afzal'h avait manqué de trépasser à cause du froid. Hedda et Vadir, eux-mêmes, avaient dû lutter contre l'inconscience où les attirait les doux baisers du froid. Malheureusement, Imrân, lui, n'avait pas survécu. Au matin de la première nuit, ses compagnons avaient retrouvé son corps gelé et sans vie. Le froid de la montagne avait eu raison de lui.

Par manque de temps et d'énergie, mais aussi parce que le sol était gelé, ils n'avaient pas pu lui donner de sépulture. Quelques prières d'Afzal'h qui était de la même religion que lui avait fait office de funérailles et le petit groupe avait même osé le délester de quelques habits pour leur survie. Son cheval les accompagnait toujours. Ils le gardaient pour le tuer lorsqu'ils seraient complétement à bout de force.

Un rapide examen de Vadir et Afzal'h fit comprendre à Hedda que la mort du cheval serait sûrement bientôt de rigueur. Son propre état et celui de ses compagnons se dégradaient petit à petit. Ce qu'Hedda redoutait le plus était les engelures qui, si elles n'étaient pas rapidement traitées, pouvait s'aggraver en gelures et, dans le pire des cas, provoquer des nécroses. Tous avaient déjà des engelures qui commençaient à se former à leurs extrémités. La jeune femme savait qu'elle devait les conduire au plus vite chez les sangs gelés. Le temps était compté et semblait défiler sans s'arrêter. Mais, voilà déjà bientôt deux semaines que les trois camarades cherchaient en vain ces tribus et Hedda commençait à douter. Elle n'était plus sûre d'arriver un jour à bon port.

Son moral était au plus bas et, en plus de la colère sourde qu'elle éprouvait envers son oncle, elle sentait monter en elle jour après jour un agacement contre Afzal'h qui se montrait des plus insupportables dès qu'il avait un peu de force. Bien que la jeune femme sût qu'elle lui devait la vie, elle ne pouvait pas s'empêcher de vouloir le battre jusqu'à ce qu'il se taise à chaque fois qu'il ouvrait la bouche. Visiblement, Vadir n'aurait rien faire pour l'en empêcher au vu de son expression quand il écoutait en silence l'homme.

Mais par-dessus tout, Hedda était dépitée. Lorsqu'elle regarda les deux hommes qui lui faisaient face, elle ne put s'empêcher de penser que tout ce qui lui restait était devant elle et que cela n'avait rien de très glorieux. Pire encore, c'était pathétique. Un garde des Glaces tremblant de froid, un Aeriokhien à demi-mort, quatre chevaux, un poignard, une tiare et un collier pour reconquérir un royaume, voilà ce dont elle disposait. Dans un geste rageur, la princesse saisit sa tiare qui était malgré tout restée accrochée dans ses cheveux et la balança violemment le plus loin qu'elle put avec un cri de colère. Celle-ci rebondit sur un des trois conifères et tomba lamentablement dans la neige. Étonnés, Vadir et Afzal'h relevèrent leurs têtes vers elle.

Les Yeux de la ChouetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant