Chapitre 29

3 1 0
                                    

Hedda n'attendit plus une seconde de plus et, alors que le sang se vidait encore du corps chaud du vicomte, la jeune reine s'élança vers la sortie du château, suivi de Vadir et Fjorn, qui était pressé de retrouver son père. La jeune femme aurait pu mentir et prétendre qu'elle voulait s'assurer que ses hommes allaient bien, il n'était pas compliqué de deviner que c'était pour un homme à la peau plus sombre que celle des gens du Nord, aux magnifiques cheveux noirs et bouclé et aux yeux obsidiennes qu'elle se hâtait ainsi.

Le sentiment d'anxiété qu'elle ressentait ne cessait de grandir au fur et à mesure qu'elle se rapprochait. L'impatience de revoir le jeune homme lui tordait les boyaux. Lorsqu'elle arriva au camp, on lui indiqua qu'elle était attendue dans la tente qui servait de salle de conseil. Fjorn n'attendit pas Hedda avant de repartir dans la direction indiquée. Le jeune homme semblait fou de joie à l'idée de revoir son père, lui aussi. Les deux slalomèrent entre les tentes pendant quelques minutes avant finalement de pénétrer dans la plus grande d'entre toute.

À l'intérieur, tous les chefs de tribus sang gelé étaient réunis ainsi que les seigneurs, composés à présent de la duchesse d'Ansburg, du vicomte de Groff et comte de Djorn en plus du duc de Korn et du duc de Varolf. Lorsque Fjorn, Vadir et Hedda franchirent l'entrée, tous se turent et se tournèrent vers elle. Les seigneurs saluèrent leur reine d'une révérence avant que la duchesse d'Ansburg ne s'avance.

« Votre Majesté, commença-t-elle en mettant un genou à terre, c'est un honneur d'enfin vous rencontrer en personne. Permettez-moi de vous apprendre une nouvelle qui devrait vous réjouir : nous avons entre nos mains un des traitres à l'origine même du complot contre la couronne. Maître Gunnar est notre prisonnier. »

Hedda observa la femme à ses pieds. La duchesse était une femme de la quarantaine aux longs cheveux noirs et aux yeux d'un bleu polaire très clair. Sa peau d'une blancheur éclatante donnait l'impression d'avoir face à soi une de ces créatures de légende dont la beauté était à couper le souffle. Le regard de la jeune reine parcourra ensuite le reste de ses hommes présents sous la tente toujours sans dire un mot. Hedda fronça les sourcils, mais avant qu'elle n'ait eu le temps de dire quoi que ce soit Fjorn la devança :

« Où est mon père ? » S'exclama-t-il, de l'inquiétude et de la colère dans la voix.

« Et messire Afzal'h ? » Compléta la jeune femme dont le mauvais pressentiment n'avait fait que croitre.

Tous détournèrent le regard, personne n'osant prendre la parole. Soudain Hedda remarqua un linceul derrière les chefs de tribus et les seigneurs. Son cœur s'arrêta un bref instant. En se maitrisant autant qu'elle pouvait, elle se précipita vers le drap qui laissait deviner sans peine le corps qui se dissimulait dessous. La jeune femme tira sur le tissu qui dévoila l'identité de l'homme. Son palpitant rata un battement et Hedda crut qu'elle allait mourir de douleur. Elle ne connaissait que trop bien le corps froid et sans vie qui s'étendait devant elle. La tristesse prit possession de son être et plus que jamais elle n'eut envie d'enfoncer sa lame dans le cœur de Rurik.

« Comment ? » Murmura la jeune femme en serrant ses poings.

Fjorn, derrière elle, se mit à hurler avant de se précipiter vers le cadavre. Les mains du guerrier se mirent à toucher le visage de l'homme.

« Père ! » S'exclama-t-il. « Non... Non... Non, c'est impossible ! Pas vous ! »

Il serra l'homme contre son cœur avant murmurant des paroles incompréhensibles aux gens dans la tente, des larmes coulant abondamment sur ses joues. Hedda posa une main fébrile sur l'épaule de son ami. Même si elle ne l'avait pas vu depuis des années, elle avait presque grandi avec le duc d'Arun. Le voir ainsi étendu devant elle sans vie, les lèvres blanches, lui retournait le cœur. Elle eut presque l'impression de perdre un troisième parent. Un sentiment de culpabilité lui serra le cœur lorsqu'elle se souvint que cela faisait des années qu'elle ne l'avait pas vu. Ils restèrent de longues minutes ainsi à digérer la nouvelle de cette mort.

Les Yeux de la ChouetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant