Les Yeux de la Chouette

Chapitre 5

Le lourd tissu de la robe de cérémonie d'Hedda pesait sur les épaules de la jeune femme. Elle se tortilla dans sa robe d'un bleu nuit éclatant. La jeune fille n'était pas habituée à porter des robes aussi lourdes et chargées et elle venait de découvrir qu'elle détestait cela. Dans son dos, tombait une longue natte blonde agrémentée de petites chainettes argentées. Si Hedda avait finalement accepté d'enfiler cette robe, et non pas son armure de parade, personne n'avait pu la convaincre de faire une coiffure plus compliquée et élaborée qu'une natte. Après tout, Hedda était l'héritière de sa mère, issue des tribus du Nord, alors il est hors de question pour elle de ressembler aux femmes soumises du Sud qui n'étaient que parures et hautes coiffures. Cependant, bien que seulement coiffée d'une natte, sa robe richement ornementée rappelait son statut royal, tout comme la tiare argentée incrustée de saphirs d'un bleu profond.

Accompagnée de ses deux gardes, Hedda marchait d'un pas sûr dans les couloirs du château, se dirigeant vers le l'Ancien Temple où se déroulait la cérémonie de confirmation de sa mère. Situé dans un des donjons de la tour, il était bien moins impressionnant que le Grand Temple de Sigrbørg de par sa taille et sa beauté. Mais, encore une fois, cela s'expliquait par le fait que Ìssborg était une forteresse faite pour résister aux envahisseurs, et non un palais créer pour étaler sa richesse. Le château était donc plus rustique et moins grand. L'Ancien Temple était cependant encore utilisé, bien que ce soit le plus souvent pour des confirmations qui se voulaient rapides. Les monarques avaient tendance à préférer le Grand Temple pour leur couronnement car celui-ci permettait d'inviter plus de monde et de montrer la réelle puissance du Royaume.

La princesse se dirigeait vers le Temple en traversant la haute-cour. Tous les membres de la cour semblaient avoir déjà pris place dans la salle de cérémonie, car il ne restait personne devant les portes du Temple, qui se situait à quelques pas de l'entrée de la crypte royale. Hedda se rapprochait à grand pas de la salle lorsqu'une voix d'homme l'interpela.

« Votre Altesse Royale ! »

Surprise, Hedda s'arrêta et se retourna en direction de la voix. À ses côtés, les gardes des Glaces s'étaient rapprochés de la princesse, qui était peu habituée à être interpellée de la sorte. Un homme dans la vingtaine s'approcha tranquillement de la jeune fille, accompagné d'un deuxième homme qui semblait plus vieux. Leurs cheveux bouclés et noirs et leur peau caramel attirèrent tout de suite le regard d'Hedda, peu habituée à voir des gens d'ethnies aussi différentes.

« Pardonnez mon effronterie, Votre Altesse royale. » Reprit le premier homme en se penchant bien bas dans une révérence. « Mais je n'ai pas pu me retenir de venir voir en personne le Joyau du Royaume de Borun. Mille rumeurs disent sur vous que vous êtes d'une beauté à couper le souffle et je peux maintenant affirmer que ces rumeurs sont toutes vraies. »

Si au premier abord, la jeune fille avait été charmée par l'accent chantant de la cité libre d'Aeriokh, le flot de compliments qui était sorti de la bouche du jeune homme lui rappela qu'à la cour personne ne venait lui parler sans rien attendre en retour. Elle observa le jeune homme d'un œil moins brillant qu'au début. Ses yeux noirs scrutaient le visage de la princesse et sa bouche pleine et charnue sourit avec défi. De par l'effronterie et la beauté du jeune homme, Hedda ne mit pas longtemps à identifier son soupirant. Mais ne montrant rien, elle plissa les yeux et lança d'une voix qu'elle voulut peu intéressée :

« Vous êtes ?

-Je suis Afzal'h add Khaledin, fils de Haroon add Khaledin, Tribun de la cité libre d'Aeriokh, Votre Altesse royale. » Il se baissa à nouveau dans une révérence. « Et voici mon compagnon, Imrân. »

L'homme en question hocha la tête, sans prendre la peine de faire une révérence. Hedda ne s'en formalisa pas car elle savait que les protocoles de la cité libre étaient plus souples et que l'homme n'avait vraisemblablement pas voulu lui manquer de respect.