Les Yeux de la Chouette

Chapitre 2

Le claquement des sabots des chevaux sur les pavés sembla résonner dans toute la montagne. Les yeux ébahis, Hedda passa le châtelet qui protégeait l'entrée de la forteresse. C'était la première fois qu'elle voyait un château de montagne si grand.

La légende voulait que le premier roi de la maison d'Ynghriorn, Jörung 1er, est construit ce château de ces propres mains pour séduire la femme dont il était amoureux, la guerrière Yrsa. Cependant, on chantait que cette dernière, venant des tribus guerrières, n'était pas intéressée par les choses matérielles et qu'elle ne prêta pas la moindre attention à sa bâtisse. Mais lorsque le roi, parti en guerre avec ses frères d'armes, se démarqua par sa bravoure et sa force et la jeune femme accepta de l'épouser. Leur mariage fut heureux et les deux époux vécurent dans la forteresse construite des mains du roi jusqu'à leur mort tragique sur le champ de bataille. Malheureusement, après une centaine d'année de règne, le vieux et imposant château fut abandonné au profit d'un plus récent, moins excentré et plus facile d'accès, ne gardant qu'Íssborg pour des occasions spéciales comme les englacements. Ainsi bien que la forteresse fût immense, son état s'était un peu dégradé et la structure du château montrait bien qu'il avait été construit plusieurs siècles auparavant.

Le cortège entra dans la basse-cour du château qui, contrairement à celle du château de Sigrbørg, était presque déserte. Il fallait dire qu'à part pour de grandes occasions, le château ne contenait que des gardes, une poignée de serviteurs qui ne dépassaient pas les doigts de la main et les corps froids des anciens rois et reines morts depuis plusieurs années. Ces derniers – les vivants bien entendu – se voyaient ravitaillés tous les mois en nourriture, armes et tout autre matériels nécessaire à leur survie sauf durant les hivers et la composition de ceux qui composaient la Garde des Glaces changeait tous les nouveaux printemps.

A peine Hedda eut elle posée un pied à terre qu'un des serviteurs vient la débarrasser de sa monture. Elle observa ses autres compagnons soulevant les lourdes caisses de voyage de la cour pour les porter dans les appartements royaux situés dans le donjon principal qui, atteignable par un large escalier à même la montagne, surplombait la basse-cour et le reste de la montagne. La jeune fille vit une vieille femme s'approcher d'elle.

Sa peau, tellement sèche et ridée par l'air glacial, semblait sur le point de s'ouvrir et ses fins cheveux blancs qui s'échappaient de son chignon voletaient autour de son visage rond. La vieille dame posa son regard bleu sur l'héritière tandis qu'elle avançait vers elle.

« Son Altesse Royale serait-elle gré de me suivre jusqu'à ses appartements ? Elle doit-être exténuée par ce voyage. »

La voix de la servante était étonnamment douce bien que chevrotante.

« Oui, il est vrai que je m'accorderais bien un peu de repos. » Répondit Hedda.

Suivant la vieille femme qui lui fit signe, la princesse gravit les escaliers qui menaient au logis seigneurial mais arrivée en haut la servante se stoppa.

« Que Son Altesse Royale pardonne mon intervention mais il me semble inimaginable qu'Elle ne s'éblouisse pas devant un tel spectacle. » S'expliqua la servante en se tournant face à Hedda.

D'un geste de la main, elle convia la jeune fille à se retourner. Devant elle, se dressaient les montagnes de Bjudõrn, qui s'étendaient à perte de vue, éclairées par la lumière du coucher de soleil dans le dos d'Hedda. La vue était encore plus impressionnante que durant l'ascension de la montagne. La jeune fille fut éblouit. Cette fois, elle surplombait totalement tout ce qui l'entourait et cette vision aurait procuré à quiconque un sentiment de puissance à lui en faire tourner la tête.

« C'est magnifique. » S'extasia Hedda.

« Son Altesse Royale a de la chance, » Reprit la servante « Rares sont les jours où le ciel est si dégagé et la vue si claire. J'ose espérer que tout ceci est signe de bon augure pour l'Héritière.