Mal à l'aise, Hedda ignorait du mieux qu'elle pouvait les regards fixés sur elle. Brûlant son dos, la jeune femme sentait bien que ses hommes l'observaient. Elle pouvait presque entendre les rumeurs qui couraient depuis quelques semaines à son sujet. Vadir, toujours fidèle à son poste malgré toutes les erreurs qu'elle avait commises, lui avait en effet confirmé avec un certain malaise ce qu'il se disait lorsqu'elle était au loin.
Certains clamaient que leur reine était prise dans une folie meurtrière qui la menait à vouloir tuer Rurik au plus vite – ce qui n'était pas totalement faux. Cette rumeur était relativement innocente et Hedda n'y prêtait pas vraiment attention. En revanche, d'autres prétendaient que Hedda avait perdu la raison, que la perte de ces parents avait été l'élément déclencheur et que cette guerre n'avait rien arrangé. Il se disait même qu'une poignée de soldats commençaient à penser que la jeune femme n'avait pas les épaules pour le rôle de reine. Ces rumeurs étaient celles que craignaient le plus la Louve Blanche. En effet, d'ici à penser que Rurik ferait un meilleur roi, il n'y avait qu'un pas et dans la continuité des choses, c'était la désertion, voir même le complot pour l'assassiner, qui pendait au nez de la jeune reine.
À l'avant du cortège, sur sa monture, Hedda se força à se détendre. La jeune femme savait que l'image qu'elle renvoyait était essentielle. Malgré toutes les erreurs qu'elle avait commises, elle tentait d'avancer la tête droite.
Elle jeta un rapide coup d'œil à Fjorn qui, comme c'était le cas depuis leur dispute, ne lui avait adressé la parole, sauf s'il était obligé. Dans ces cas-là, le jeune homme utilisait ses titres et la vouvoyait. La cœur d'Hedda se serra lorsqu'elle réalisa que leur amitié était peut être finie. De la même manière, ces derniers jours, tous ses conseillers semblaient prendre une certaine distance avec elle, ne sachant sur quel pied danser et ne tolérant pas ses décisions. Dire qu'Hedda ne faisait pas l'unanimité au sein de ses propres compagnons n'étaient pas un euphémisme. Hormis Vadir, toujours aussi fidèle, qui restait à ses côtés, Hedda passait la plupart de son temps seule, loin des autres et des commérages. Il fallait bien avouer que, depuis la disparition d'Afzal'h, la jeune reine avait enchainé les erreurs. Entre ses sautes d'humeur qui effrayaient tout le monde, ses décisions irréfléchis et son isolement, nul doute que certains commençaient à douter d'elle.
À la tête de son cortège, Hedda observa ses soldats. Ceux-ci étaient épuisés du au rythme soutenu qui leurs avait été imposé. La Louve Blanche devait le reconnaitre : la duchesse d'Ansburg avait vu juste. Peut-être aurait-elle du l'écouter car en voyant ses troupes ainsi, Hedda réalisa qu'elle venait elle-même de se couper les jambes. La seule chose qu'espéra la reine fut que cette accélération allait au moins permettre à son armée de surprendre Rurik en arrivant bien plus tôt que ce qu'il n'avait prévu.
Lorsqu'elle vit à sa droite un de ses cavaliers qui, vacillant de fatigue, manqua chuter de sa monture. Hedda fut prise de remord. Le soleil venait à peine d'entamer sa descente, lorsqu'elle ordonna au cortège de se stopper, au grand soulagement de ces troupes.
« Montez les tentes et prenez l'après-midi et la nuit pour vous reposer. » Dit-elle d'une voix forte.
Les troupes se stoppèrent d'un tel mouvement qu'Hedda aurait presque cru entendre un soupir de soulagement commun s'élever dans les airs. En voyant ses hommes se disperser pour monter les tentes, elle comprit qu'elle avait pris la bonne décision.
La jeune femme descendit à son tour de sa monture avant de la confier à un palefrenier. Puis Hedda se dirigea vers une de ses malles qui venaient d'être déchargées et fouilla quelques instants dedans pour en ressortir un gros sac. Enfin, elle se dirigea vers la forêt. Voyant que des gardes tentaient de la suivre pour sa protection, la jeune reine les stoppa d'un mouvement de la main. Elle avait besoin de réfléchir à tout ça.
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Les Yeux de la Chouette
FantasyC'est le choc pour Hedda, l'héritière du royaume de Borun. Elle, qui avait eu jusque là une vie paisible, découvre à ses dépends la signification du mot "complot" et perd tout ce qu'elle possède en l'espace de deux semaines : ses parents, son trône...