Les Yeux de la Chouette

Chapitre 13

L'excitation était à son comble. La totalité des sangs gelés s'étaient réunis pour voir ce combat qui promettait d'être captivant : la fille de la Louve contre le chef de la tribu. La nouvelle de la mort de la Louve et les circonstances dans lesquelles elle était arrivée avaient déjà parcouru l'entièreté du camp et cela rendait encore plus intéressant le duel. D'autant plus que personne n'avait jamais vu l'héritière du trône au combat. La foule se pressait donc pour tenter d'apercevoir le duel.

Au centre de la place, à quelques mètres de la foule, se trouvait justement Hedda. La jeune fille était dans un bien meilleur état que la veille. Ses vêtements étaient ceux d'une sang gelée, son teint était plus frais et sa côte fêlée ne la faisait presque pas souffrir. Le sommeil de cette nuit avait été plus que bénéfique à l'héritière. Cependant, la bouche d'Hedda se tordit en une grimace. Cela faisait plus d'une demi-heure que la jeune fille attendait l'arrivée de Svern. Elle fulminait, sachant pertinemment que le retard du jeune homme était fait exprès.

Finalement la foule s'écarta et le chef de la tribu apparut dans toute sa splendeur. Ses cheveux bruns voletaient autour de sa tête à cause de la légère brise et un petit sourire satisfait avait pris possession de ses lèvres. Il posa son regard céruléen sur la jeune femme face à lui.

« J'espère ne pas avoir trop fait attendre, Sa Majesté. » Sa voix transpirait de sarcasme.

« Le calme et la patience sont d'importantes qualités requises pour gouverner, n'est-ce pas ?

-Je suis bien d'accord avec toi, petit louveteau. Cependant, j'aimerais en finir au plus vite avec ce duel si cela ne te dérange pas. »

Hedda hocha la tête, sans quitter Svern des yeux. Aasbjorn qui était resté en retrait jusque-là se mit entre les deux combattants.

« Nous sommes ici pour assister au duel entre Hedda de la Maison Ynghriorn, première du nom, Suzeraine du Royaume de Borun, fille de la Tribu des Dents de Loup et des sangs gelés, Joyau du Royaume de Borun et Svern, chef de la Tribu des Dents du Loup, l'Indomptable. Le titre de chef est mis jeu. Le dernier à pouvoir se tenir debout à la fin de ce duel prendra la tête de la tribu comme le veut la tradition des sangs gelés, Vafirh et Gharör m'en soient témoin. Että tyr heyra vår freista. »

Après avoir prononcé ces paroles, Aasbjorn recula de plusieurs pas, laissant le champ libre à Hedda et Svern. Dégainant leurs épées, les deux combattants se tournèrent autour pendant quelques instants, chacun jugeant son adversaire. Hedda savait qu'elle devait miser sur la ruse et la stratégie. Ici, la force brute ne lui serait d'aucune utilité au vu du gabarit de son adversaire. Elle devait agir rapidement et avec souplesse, mais surtout la jeune fille devait éviter au maximum les contacts avec Svern sinon elle ne donnait pas cher de sa peau.

Finalement, ce fut ce dernier qui attaqua en premier. L'épée s'abattit avec force en direction d'Hedda qui, au lieu de parer, ne fit que l'esquiver. Elle se félicita de son choix en sentant la puissance que dégagea la lame en passant près d'elle. Le bras d'Hedda aurait souffert si elle avait décidé de parer l'attaque. À son tour, la jeune femme contre-attaqua en tentant de toucher son adversaire à l'épaule. Sa lame fut bloquée par l'épée de Svern. Les adversaires rompirent en même temps. Cette première attaque leur avait permis de se faire une idée de la difficulté du duel à venir.

Hedda et Svern s'affrontèrent ainsi pendant de longues minutes, testant les limites de l'autre, reculant et avançant comme dans un balai. Lorsqu'ils commencèrent à se lasser, le duel se fit plus violent, plus brutal. Les épées s'entrechoquaient dans de grands tintements métalliques et le souffle des duellistes s'accéléra. Hedda avait beau chercher, elle ne voyait aucune ouverture dans la défense de son adversaire. Svern semblait avoir une posture parfaite et tous les efforts qu'elle faisait pour le déstabiliser ou le fatiguer paraissaient ne mener à rien. Cependant, son adversaire devait se faire les mêmes réflexions de son côté aux vues de son air agacé. Il ne s'attendait certainement pas à ce qu'Hedda soit une si bonne épéiste.