Rurik avait parlé en détachant chaque mot afin que chacun puisse en saisir le sens. Un silence de plomb s'abattit dans la salle. Plus personne n'osait bouger ou parler. Chacun était trop choqué par la tournure des évènements. Tous, sauf Djada. Un fin sourire s'étirait sur son visage.
« Rurik, je vous savais rongé par une jalousie dévorante pour votre frère et moi-même, mais accuser de meurtre la reine devant la cour entière n'est certainement pas votre plus brillante idée. »
La reine posa délicatement la balance sur l'autel, puis enleva le voile et la couronne. Après un signe de sa part, un soldat de la Garde des Glaces se décrocha du mur pour s'approcher de la reine. Il sortit de ses poches un parchemin orné du seau encore intact du roi. Djada s'en saisit et lui fit signe de reculer. Elle le tendit en l'air.
« Voici, un parchemin écrit de la main de mon défunt époux. » La reine se tourna vers le Grand Prêtre et lui fit signe de s'en saisir. « En tant que membre du Conseil, pouvez-vous confirmer, votre Sainteté, que le seau est intact ? »
Le vieil homme tourna le parchemin entre ses doigts décharnés et tremblants.
« En effet, sa Majesté dit vrai : le seau appartient bien au roi et est définitivement intact.
-Ouvrez le parchemin.
L'homme obéit et en s'aidant de l'ongle de son pouce, il rompit le seau pour ouvrir le papier. Le fin parchemin se déroula entre ses doigts, tandis que le vieux prêtre lisait son contenu.
« Ceci est la disposition et ordonnance de dernière volonté de moi-même, Odomar de la maison de Ynghriorn, 1er du nom, Suzerain du Royaume de Borun, héritier des premiers souverains, dit le Hardi. Par celle-ci, j'affirme avoir été vilement empoisonné par un Vengeur durant ma dernière partie de chasse. Dame Halldóra, guérisseuse royale, pourra en témoigner devant les Dieux et devant les Hommes le cœur libre et sans entrave. Ainsi, j'ordonne qu'une quête contre mon assassin soit lancée et menée par mon épouse et reine Djada de la maison Ynghriorn, 2ème du nom qui est, selon ma volonté, écartée de tout soupçon. Quiconque aura été présent durant ma dernière partie de chasse sera considéré comme suspect principal dans le complot entourant ma mort, que cela soit comme complice ou comme personne agissant seul. Je n'ai, par cette disposition, d'autres vues que le bien du Royaume et de ses sujets. Je prie pour que les Dieux, Vafirh et Gharör, bénissent notre nation et qu'ils nous fassent la grâce d'une vie prospère. Että tyr heyra vår freista. » Le Grand Prêtre replia le parchemin. « C'est bien signé de la main du roi. Le testament est sans aucun doute véridique. »
Rurik eut un rire gras.
« Apporte-le-moi. »
Obéissant, le vieillard s'approcha lentement, le dos courbé par les années. Tout le monde observait l'étrange spectacle qui se déroulait sous leur yeux ébahis. Arrivé devant le prince, le prêtre tendit d'une main rendue tremblante par la vieillesse le bout de papier. Rurik lui arracha presque puis le déroula rapidement. Ses yeux vairons parcoururent en quelques secondes le parchemin avant qu'il n'émette à nouveau un ricanement. L'homme releva la tête souriant à sa belle-sœur, puis il saisit le parchemin du bout des doigts et, lentement, il déchira le testament en deux, puis en quatre, en huit avant de laisser tomber sur le sol du Temple les restes de la déclaration du roi. Un hoquet de stupeur général prit la salle. Outrée, Hedda bondit de sa chaise.
« Mon oncle ! Avez-vous perdu la tête ? Ce sont les dernières volontés de mon père ! » S'exclama-t-elle, la haine sur le visage.
Sans se retourner, la reine soupira.
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Les Yeux de la Chouette
FantasiC'est le choc pour Hedda, l'héritière du royaume de Borun. Elle, qui avait eu jusque là une vie paisible, découvre à ses dépends la signification du mot "complot" et perd tout ce qu'elle possède en l'espace de deux semaines : ses parents, son trône...