Chapitre 10

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Après la joute verbale entre Hedda et Afzal'h, le petit groupe avait repris la route dans un silence de mort. Ils continuaient leur chemin, les chevaux avançant comme ils pouvaient dans la neige. L'excitation qu'avait ressenti Hedda était rapidement retombée et sa blessure n'avait pas tardé à la lancer de nouveau. À vrai dire, cette altercation l'avait épuisée et, avec la fatigue accumulée depuis le début de leur fuite, Hedda avait l'impression que la douleur avait augmenté en intensité. De leur côté, Vadir et Afzal'h n'avait cessé de sentir les effets du froid.

Plusieurs fois, la jeune fille avait cru apercevoir dans les hauteurs de la montagne des mouvements et des silhouettes les observant. D'abord prise de panique à l'idée que les sbires de son oncle l'aient retrouvé, elle s'était rapidement fait une raison et comprit que son esprit épuisé par le froid et la route lui jouait des tours. Elle devait à tout prix atteindre les tribus du Nord d'ici quelques jours si elle ne voulait pas finir comme Imrân. Bien qu'elle eût tout fait pour le dissimuler, les paroles d'Afzal'h l'avaient plus retournées qu'elle ne l'eut voulu. La princesse espérait de tout cœur que sa mère ne se soit pas trompée et que les tribus du Nord ne retrouve pas dans plusieurs mois leurs corps congelés.

Lorsque le soleil commença à entamer sa descente, les trois compagnons se mirent en quête d'un abri pour la nuit. Comme chaque soir, ils guettaient dans les parois rocheuses le moindre recoin qui aurait pu les abriter, mais la tâche était rude. Finalement, rares avaient été les fois où ils avaient eu la chance de tomber sur une véritable grotte. Le petit groupe s'était souvent contenté de petits renfoncements dans la roche de la montagne où ils tenaient à peine tous et où le vent glacial du Nord ne les atteignait pas, ou peu. Mais pour une fois, la chance sembla leur sourire puisqu'après une bonne heure à scruter la montagne jusqu'à s'en faire mal aux yeux, les cris d'Afzal'h indiquèrent à Hedda qu'il avait trouvé une grotte.

Le petit groupe s'y installa et, sans tarder, ils commencèrent à manger les quelques racines qui leur restaient dans un silence total. Épuisé, aucun d'entre eux n'eut la force de s'aventurer un peu plus profondément dans la grotte pour se tenter à attraper des chauves-souris, activité éreintante qui se soldait souvent par un échec. Hedda, avec l'accord de ses deux compagnons, décida que, demain, le cheval d'Imrân serait tué car elle sentit au fond d'elle qu'ils ne survivraient pas encore longtemps sans véritable repas. Finalement, chacun se prépara à dormir dans son coin et tous se couchèrent, le ventre presque vide, criant famine, et le corps douloureux à cause de leurs blessures dues soit au froid, soit au combat.

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Hedda ne sut pas réellement lorsqu'elle se réveilla, mais, d'instinct, elle comprit que quelque chose n'allait pas. À ses côtés, elle entendait le souffle calme et endormi de Vadir et Afzal'h. Mais, les chevaux semblaient agités, renâclant et piétinant le sol glacé. Si, dans un premier temps, la noirceur de la grotte l'empêcha de voir quoi que ce soit, la jeune fille, sur le dos, tourna lentement la tête vers l'entrée. Son sang se glaça dans ses veines et elle retint un cri de fayeur. Éclairées par la lumière de la lune, cinq ombres se détachaient du reste, s'avançant silencieusement dans la nuit. Son esprit, embrumé par le sommeil, ne distingua que cinq formes monstrueuses et gigantesques se tenant sur leurs pattes arrières. De la fourrure recouvraient ces bêtes noires et d'immenses griffes au dimension irréelles ornaient leurs membres supérieurs. L'allure des bêtes rappelèrent à la jeune fille les monstres de légende qui étaient censés, selon les contes que l'on lui racontait enfant, hanter le Grand Nord.

Une montée d'adrénaline parcourra le corps d'Hedda. La jeune fille dut faire un effort surhumain pour ne pas leur sauter dessus en hurlant. Immobile comme si elle était encore plongée dans un profond sommeil, elle ne bougea pas. Son cerveau tournait à grande vitesse. Comment allait-elle se tirer de cette situation ? Vadir, qui était le plus proche de l'entrée, dormait à point fermé et, dans son dos, Afzal'h, même s'il eut été réveillé, n'aurait certainement pas été en état de se battre.

Les Yeux de la ChouetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant