Chapitre 15

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Hedda se trouvait devant une tente de cuir aux dimensions similaires à la sienne. D'une main agile, elle souleva l'épaisse fourrure qui servait de porte d'entrée avant d'entrer dans le simulacre de demeure. La pièce était sombre. Seules les braises d'un petit braséro presque éteint éclairaient faiblement la pièce lui donnant une atmosphère sanglante.

« Que veux-tu ? »

La voix haineuse de Svern s'éleva dans la pièce. Hedda tourna la tête et le distingua à demi-allongé sur une sorte de divan de fourrure. Son nez semblait complètement tordu et tuméfié, tout comme son œil droit était entouré d'une peau gonflée et violette sombre. Grâce son torse nu, Hedda distingua un bandage à son épaule, ses côtes et à ses doigts. Son état n'était pas très glorieux, mais le regard hargneux qui lui envoyait montrait qu'il aurait eu assez de force d'esprit pour tenter encore de se battre avec elle.

« Je ne viens pas en ennemi, Svern. » Répondit calmement Hedda.

Il eut un petit mouvement de recul accompagné d'un rire moqueur.

« Je suis de ton côté.

-Tu vas tous nous faire tuer. »

Hedda s'approcha de quelques pas, les mains en l'air comme pour apaiser un animal sauvage. Svern la regardait du dessous, l'œil haineux.

« Svern...

« Sors d'ici ! » La coupa-t-il.

Le regard d'Hedda, jusque-là concerné par l'état de l'homme, se fit plus dur. Elle approcha un peu plus, d'un pas plus décidé, les poings serrés contre son corps.

« Non, Svern. Je ne sortirais pas avant d'avoir dit ce que j'ai à dire et tu vas m'écouter parce que, que tu le veuille ou non, je suis maintenant membre de la tribu. »

Le jeune homme soupira et fit un geste las de la main, autorisant l'héritière à s'exprimer. Il se cala un peu plus au fond des fourrures de son divan et posa sur elle un regard morne.

« Ne voudrais-tu pas savoir pourquoi je ne t'ai pas tué ?

-Pour m'humilier, je suppose. Parce que tu sais pertinemment que l'honneur d'un sang gelé est la chose la plus importante que nous possédons et en perdant ce combat, j'ai perdu mon honneur. Alors me tuer aurait été une libération pour moi. »

Hedda sourit. Elle aurait pensé Svern plus intelligent que cela. Plus rusé et manipulateur. Finalement, il était peut-être préférable pour la tribu qu'il ne soit pas resté longtemps au pouvoir, vu qu'il ne semblait pas voir plus loin que le bout de son nez.

« Non, Svern. Ce n'est définitivement pas pour ça. D'ailleurs, la Louve me parlait sans cesse d'honneur, du fait qu'il fallait tout faire pour le garder. » Svern sembla plus intéressé à la mention de cette légende. « Mais, elle me disait tout le temps : ''Ce n'est pas en perdant une bataille que l'on perd son honneur. C'est en perdant nos valeurs que nous le faisons''. Tu n'as pas perdu ton honneur durant notre duel. En revanche, tu l'aurais perdu en te défilant devant mon oncle. Un sang gelé affronte ses peurs. »

Svern ne dit rien mais il semblait moins enragé, plus intéressé par le discours d'Hedda, bien que toujours renfrogné.

« Alors pourquoi ne m'as-tu pas tué ?

-Parce que je reconnais ta valeur. Nous ne sommes peut-être pas du même avis sur certaines choses, mais je ne peux renier le fait que tu es un grand guerrier sang gelé. J'ai envie que tu sièges au Conseil des Anciens, que tu m'aides à prendre des décisions, que tu me guides. »

Les Yeux de la ChouetteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant