Sixteenth Letter

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Sur le toit du palais chinois, elle aurait pu tout oublier. Elle ne pouvait nier qu'il savait s'y prendre pour impressionner une fille. Mais ce n'était qu'un mirage, un rêve. Pas une seule seconde, elle n'était parvenue à calmer la colère sourde qui grondait en elle lorsqu'elle pensait à toute cette expérience qu'il avait accumulée dans le seul but de berner plus de monde. Menteur. C'est-ce qu'elle aurait voulu lui dire. Il ne méritait pas la princesse Jasmine. Cette escapade littéraire lui avait appris au moins une chose sur Potter. Il n'était pas digne de confiance. Même lorsqu'elle avait tenté de lui laisser une chance de tout avouer, il ne l'avait pas saisi, préférant s'embourber dans son mensonge. Elle avait fait mine de le croire. Il n'avait pas semblé remarquer sa froideur sur le trajet du retour. Il semblait même plutôt content de lui.

Une fois de retour à Agrabah, elle avait serré les poings en souriant, accoudée au balcon tandis qu'il flottait dans les airs grâce au tapis, toujours aussi à l'aise lorsqu'il s'agissait de voler. Elle aurait dû se douter de la suite. L'éviter tant que c'était possible. Elle n'avait pourtant rien fait. Écarquillant les yeux d'horreur lorsque ses lèvres se pressèrent contre les siennes. Encore une fois, elle aurait pu reculer. Rompre ce baiser. Mettre un terme à cette mascarade. Mais de nouveau, elle ne fit rien de tout cela. Pourquoi ? Parce que c'était ça qu'elle cherchait ! Le feu d'artifice de sensations qu'elle n'avait expérimenté ni avec Amos, ni avec Gideon. Il était là. Ses lèvres étaient distinctes du reste de sa personne. Ses propres lèvres l'étaient tout autant. Contrairement à ses précédents baisers avec d'autres, elle n'avait pas l'impression qu'il s'agissait d'une partie interchangeable de son corps. S'il l'avait touché avec son nez ou s'il avait opté pour sa joue, ça n'aurait pas été la même chose. Cette sensation, ce plaisir, venait du baiser. Elle était terrifiée par ce que cela pouvait signifier. Était-elle anormale ? La raison pour laquelle elle ressentait enfin quelque chose était-elle dû au fait qu'elle n'était pas dans son corps ? Était-elle condamnée à n'expérimenter la passion qu'au travers des pages d'un livre ? Était-ce la raison de sa présence ici ? Sa version future avait-elle voulu lui ouvrir les yeux ? Ce n'est pas une question de "bonne" personne, avait-elle voulu dire. C'est toi le problème. Voilà la solution. Elle ne prit conscience qu'elle pleurait que lorsqu'il le lui fit remarquer. Elle n'avait même pas remarqué qu'il avait rompu leur baiser.

– Tu pleures.

– Quoi ? Non, protesta-t-elle en portant une main à son visage, ses doigts rencontrant ses joues humides qui la contredisaient.

– Je...

– Il est tard.

– Oui, répondit-il, n'insistant pas.

Il semblait étrangement résigné. Ça ne lui ressemblait pas. Peut-être qu'il regrettait d'avoir menti à la princesse. Peut-être avait-il pris conscience de la malhonnêteté de sa démarche. Elle s'en fichait pas mal à ce stade, trop focalisée sur sa propre personne. Elle avait toujours eu l'impression que quelque chose clochait chez elle. Est-ce qu'à force de se plonger dans la fiction, elle s'était coupée de la réalité ? Est-ce qu'elle avait déréglé ses sens. Elle était tombée amoureuse de personnages fictifs, elle avait pleuré pour eux, était heureuse pour eux mais elle n'avait jamais ressenti un tel tumulte de sentiments pour qui que ce soit de réel. Le personnage d'Aladdin abritait la personne qu'elle abhorrait le plus et pourtant, il lui faisait cent fois plus d'effet que des garçons en chair et en os comme Amos ou Gideon.

Le décor changea brusquement et elle se retrouva de nouveau dans la librairie délabrée, dans son corps défectueux. Cela ne fit que la convaincre davantage encore que sa version future avait bel et bien voulu lui ouvrir les yeux. Elle n'avait pas quitté le livre en complétant l'histoire. Elle en était sortie lorsqu'elle avait accepté la vérité. Elle essuya les dernières traces de son chagrin avant de sortir prendre l'air et essayer d'oublier tout ce qui venait de se passer. Elle pressa le pas vers le château, s'arrêtant en entendant son prénom. Lorsqu'elle se tourna, elle aperçut Dorcas qui courait vers elle. Cette dernière s'arrêta près d'elle, se pliant en deux, les mains sur ses cuisses, ne se redressant qu'après avoir repris son souffle.

Deer LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant