Eighteenth Letter

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– C'est stupide.

Elle avait perdu le compte du nombre de fois où il avait prononcé cette phrase. Chaque fois, elle s'était retenue de lui répliquer que c'était lui qui était stupide. Le problème était que ça n'aurait mené nulle part. Au mieux, il se serait servi de ça pour commencer une de leurs sempiternelles disputes et donc mettre un terme à la "leçon". Elle avait elle-même été tentée par cette alternative, les paroles d'Alice raisonnant distinctement dans un coin de son esprit. Elle ne devait pas baisser les bras. Elle pouvait faire de lui un préfet en chef acceptable. Un miracle était à exclure, il n'arriverait jamais à la cheville d'Amos mais au moins ça n'était pas Rabastan. C'est pour ça qu'elle était là, se répéta-t-elle en espérant que sa patience tienne encore un peu. Elle lui lança donc un regard appuyé, qu'il soutint avec aplomb, toujours aussi insupportablement têtu.

– Sérieusement, insista-t-il convaincu d'avoir raison.

Est-ce qu'il était vraiment obligé de contredire chaque point du règlement ? Ne pouvait-il pas simplement le respecter sans poser des questions ? Le plus frustrant étant que parfois une règle était effectivement stupide. Il lui arrivait donc de devoir lui répondre "c'est comme ça", ce qui n'était pas très reluisant. Il la gratifiait alors d'un sourire narquois, lui signifiant silencieusement qu'il avait raison. Elle refusait de lui faire le plaisir d'admettre une telle chose et il le lui rendait bien en se contentant de passer à la règle suivante lorsqu'elle parvenait à expliquer la nécessité de l'une d'elles. Elle avait cru et espéré à tort qu'il tenterait par tous les moyens d'écourter au maximum le temps consacré à le former. Ça prendrait bien plus de temps que prévu. Il faudrait qu'elle revoie à la hausse les "une heure pour revoir ensemble le règlement, une heure pour les différentes sanctions et la paperasse administrative qu'elles engendrent et une heure pour l'organisation des préfets, rondes, réunions". À ce rythme, dans un mois ils seraient toujours coincés à cette table.

– Qu'est-ce que ça peut faire que je noue ou pas ma cravate ?

– Vois ça comme des chaussettes. Ça te viendrait pas à l'idée de les foutre à l'envers ou sur tes mains. Une cravate ça se porte nouée autour du cou.

– Si j'ai froid et que j'ai pas de gants...

– Tu me fatigues, soupira-t-elle.

– Y'a des moyens de contester une règle ? demanda-t-il en essayant d'attraper son carnet qu'elle mit hors de sa portée.

– Peut-être ! Tu le sauras quand on arrivera à la section "pouvoirs des préfets en chef".

– On peut pas passer directement à cette partie ? Ça a l'air plus intéressant que ça, dit-il en poussant les parchemins de règlement intérieur.

– Non.

Elle le regarda s'étaler sur la table en poussant un grognement de frustration. Elle ne le comprendrait jamais. Elle aurait presque pu croire qu'il ne faisait pas ça uniquement pour l'emmerder. Que ses revendications et autres protestations étaient réelles. Que ça lui tenait à cœur. C'était absurde. Elle fut tentée de lui demander. Essayer de voir les choses de son point de vue. Elle n'en n'eut pas l'occasion avec l'arrivée des préfets de Serdaigle. Elle n'était pas certaine qu'elle l'aurait fait de toute manière. Elle n'aurait pas dû avoir besoin de comprendre. Elle n'en avait jamais ressenti le besoin par le passé et ne voulait pas lui donner de chance de prouver qu'il n'était pas ce qu'elle croyait. Il ne le méritait pas et elle n'en voyait pas l'intérêt. Les deux cinquième année semblaient étonnés de les voir ensemble. Combien de temps devrait-elle faire face à ce genre d'expression ? Combien de temps avant que tout le monde s'habitue ? À quoi exactement d'ailleurs ? Au terme de ces cours, est-ce qu'il se contenterait du minimum ? Ne pas être un poids pour elle, respecter le règlement au maximum et ne pas abuser de ses pouvoirs. Est-ce qu'elle devait s'attendre à ce qu'il s'implique vraiment ? Qu'il soit un allié ? Quelqu'un sur qui elle pouvait se reposer ? C'était peu probable. Elle espérait presque qu'il opte pour la première option. La seconde signifiait bien trop de changements dans la dynamique de leur relation.

Deer LilyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant