Parallèles

10

On est parfois horrifié de se découvrir soi-même en un autre, Julien Green.

Illéa était restée bloquée. Un tas de questions se bousculaient dans sa tête. Et si Emerson avait bien plus souffert qu'elle ? Elle savait qu'elle n'était pas la seule à avoir une vie compliquée, cependant, selon elle, Emerson ne faisait pas parti de cette catégorie. Sûrement parce qu'il souriait à longueur de journée, qu'il était apprécié par tous, qu'il était riche et car il avait une bouille d'ange.

Elle le considérait comme un privilégié, surtout après le discours qu'il avait tenu la première fois qu'ils s'étaient rencontrés. Mais plus elle apprenait à le connaître, plus elle découvrait des facettes de lui auxquelles elle ne s'attendait pas. Elle s'en voulait de l'avoir jugé sans le connaître, elle qui se battait pour faire disparaître les préjugés. Elle savait ce que c'était d'entendre des gens dire que l'on avait une vie parfaite, alors que cette dernière nous avait fait perdre toute envie de vivre.

Emerson voulait disparaître. Illéa ne régissait pas, il ne savait pas ce qu'elle pensait. Était-t-elle dégoûtée ? Choquée ? Il n'en pouvait plus de toujours avoir face à lui ce visage glacial, affichant si peu d'empathie. Il savait très bien qu'ils n'étaient pas amis, mais un lien particulier c'était tissé entre eux. Enfin, de son côté du moins. Il était au courant qu'elle aussi avait beaucoup souffert, c'était presque écrit sur son front. Quelque chose le poussait à lui parler de tout cela, pourtant, seul Mike et ses parents étaient au courant de toute l'histoire.

- Bon... et bien je vais y aller, annonça Emerson.

- Attends !

Le jeune homme la regarda, étonné.

- Si tu ne m'as pas dit pourquoi, c'est que tu ne veux pas en parler je suppose, mais réponds juste à cette question, s'il te plaît. Est-ce qu'il s'agissait d'une opération dangereuse ?

Il ne s'attendait pas à cette question de sa part. Il pensait qu'elle n'en n'avait rien à faire, mais le ton qu'elle avait employé reflétait de l'inquiétude.

- Oui. Elle a duré huit heures.

Illéa s'intéressait énormément à la médecine, le fonctionnement du corps humain l'émerveillait. Elle savait aussi qu'une opération de huit heures était souvent très risquée. Elle voulait tellement en savoir plus, la curiosité l'envahissait.

- C'est énorme huit heures...

Il haussa les épaules. Pour lui, huit heures n'était rien comparé aux nombres d'années qu'il avait passé emprisonné par sa maladie.

Il regarda sa montre, le cadran affichait 18h30.

- Je dois y aller. Mes parents vont me tuer. Désolé pour le dérangement, dit-t-il en se levant.

- Non, merci beaucoup. Tu ne m'as pas dérangé, au contraire.

- Attends, je rêve ou pour une fois tu ne me crie pas dessus ?

Illéa rougit et effaça son sourire le plus rapidement possible, sans oublier de lui donner une petite tape dans l'épaule.

- Aller, sors de chez moi avant que je ne t'étrangle.

- Ok, ok ! répondit-t-il tout en levant les mains en l'air afin de prendre un air innocent.

Il sortit de la maison et au même moment, la mère d'Illéa apparue dans la petite allée. Elle fronça les sourcils en voyant un garçon inconnu sortir de chez elle.