Il pleut doucement sur la ville, il pleut doucement sur les morts..., Francis Carco.Les lumières de la ville de Sacramento brillaient sous leurs yeux. Ils étaient légèrement surélevés par rapport à cette dernière. Illéa n'en revenait pas, elle n'avait jamais trouvé cette ville belle, et pourtant ici, sur cette petite colline, tout prenait une autre dimension.
Elle se sentait bien, loin de tous, tout en étant assez proche de toutes ses lumières. En se retournant, elle vit Emerson, le regard perdu dans l'horizon, une main sur sa poitrine. Elle avança de quelques pas et s'assit sur l'herbe fraîche.
- Pourquoi m'as-tu emmené ici ? demanda-t-elle d'une voix douce.
Il détourna son regard du paysage afin de le poser sur elle. Il haussa les épaules et s'assit à côté d'elle.
- Je ne sais pas. J'ai pensé que tu avais besoin de venir dans un endroit comme celui-ci après ce qu'il s'est passé hier.
Elle serra les dents à la simple évocation de sa crise d'angoisse qui l'avait rendue folle.
- Un endroit comme celui-ci ?
- Après mon opération, je suis resté une vingtaine de jour à l'hôpital, ensuite on m'a transféré dans un centre de réadaptation dans lequel la moyenne d'âge devait être de 85 ans. On ne me laissait pas sortir, on était en plein hiver et tout le monde craignait que je ne tombe malade. J'ai passé plus de la moitié de ma vie enfermé et même lorsque tout était censé s'être arrangé, on ne m'a pas autorisé à en profiter, je n'attendais plus que ça, sortir, prendre l'air, découvrir ma ville et ses alentours. Mais j'ai dû attendre, encore et encore. Lorsque l'on m'a annoncé que je pouvais enfin quitter ce centre, j'ai tout de suite demandé que l'on m'emmène ici même. Je n'étais pourtant jamais venu, mais de ma chambre du centre, j'avais vue sur cette colline, alors, c'est elle que j'ai voulu voir en première. Je n'ai pas été déçu, je suis resté assis ici pendant des heures, et lorsque la nuit est tombée, je me suis rendu compte que c'était encore plus beau comme ça.
- Laisse-moi deviner, coupa Illéa, à chaque fois que tu te sens mal tu viens ici, pas vrai ?
Il hocha la tête doucement. Il ne savait pas pourquoi il lui expliquait tout cela, ni pourquoi il l'avait emmené ici, mais au fond de lui, il espérait certainement qu'Illéa se livre, elle aussi.
Elle chercha des yeux quel pouvait bien être le bâtiment dans lequel était enfermé Emerson, elle voulait se mettre à sa place.
Elle ne lui posa pas plus de questions, même si au fond d'elle plus d'une centaine se bousculaient. En l'entendant parler, elle s'était très vite rendu compte que ses anciens problèmes de santé étaient très conséquents. Elle s'imagina la souffrance qu'il avait enduré, peu habitué à la solitude et détestant cela. Rêvant de sortir et de découvrir le monde, mais contraint de rester enfermé. Tout le contraire d'elle.
- Tu es vraiment mon opposé, murmura-t-elle.
Il la regarda, un air interrogatif sur le visage.
- Tu aurais tout donné pour sortir, t'échapper de cette solitude, tandis que moi, j'aurais tout donné pour être seule et ne plus jamais sortir de chez moi.
Elle ne le regardait pas, elle ne le voulait pas.
- Tu aimes la solitude ? demanda-t-il étonné.
- Oui, j'ai appris à l'aimer, maintenant c'est devenu compliqué de me séparer d'elle.
Il ne dit rien. C'était inconcevable pour lui, être seul était sa hantise, il se sentait abandonné, livré à lui-même et sa souffrance. Vivre enfermé dans un endroit détestable, être condamné à errer seul dans les couloirs, en attendant que l'hiver passe et ses douleurs avec.
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Parallèles
Teen FictionParallèles : se dit de deux droites qui ne se rencontrent pas. C'est ce qu'ils étaient, deux droites parallèles entre elles. C'est aussi ce que Illéa avait tracé sur ses avants bras. Des droites parallèles, tracées à main levée , qui avaient failli...