La mort attrape d'abord ceux qui courent, Jean Giono.On ne tombe pas amoureux lorsque l'on sait que l'on va mourir. On ne s'imagine pas ce qu'est l'amour lorsque l'on ne pense pas dépasser la vingtaine. A quoi bon réfléchir à quelque chose que l'on ne pourra jamais expérimenter ? Que ce soit Illéa ou bien Emerson, aucun des deux ne s'était jamais réellement posé de questions concernant leur future vie sentimentale.
La faucheuse était leur seul avenir.
Évidemment ils avaient tous deux déjà rêvé en secret de rencontrer le grand amour et de vivre une histoire passionnante et déroutante comme dans les livres, mais la sombre réalité les rattrapait toujours.
Elle courait bien plus vite que leurs rêves.
Alors quand leurs cœurs, bien que blessé du côté d'Emerson, s'étaient mis à battre à la chamade et à l'unisson, aucun des deux n'avait émit l'hypothèse que cette étrange sensation de chaleur et de bien être pouvait être de l'amour.
Illéa planta ses ongles dans la paume de sa main, elle venait de complimenter Emerson et ce dernier ne répondait pas. Qu'est ce que cela signifiait ? Était-il touché ? Aurait-il préféré qu'elle se taise ? A cet instant précis, elle se rendit une fois de plus compte qu'elle ne comprenait strictement rien aux sentiments des autres. Elle s'en voulut alors d'avoir si longtemps rejeter tout le monde sans exceptions.
Les yeux émeraudes du jeune homme hypnotisèrent la jolie brune. Elle ne pouvait regarder ailleurs.- Je... J'ai... Putain j'arrive même pas à parler, souffla Emerson.
Illéa ne put s'empêcher de laisser un petit rire s'échapper.
- Comment une fille aussi nulle que toi en communication peut trouver les mots parfaits pour me faire sentir fort et important ?
Son rire s'arrêta. Ses yeux s'agrandirent et ses joues rosirent.
- Je... Attends quoi ? Comment ça nulle en communication ?
Emerson avait envie d'éclater de rire, mais quelque chose l'obsédait encore plus. Les lèvres rosées de son interlocutrice. Il voulait l'embrasser. Plus que tout. Devait-il se retenir ? Allait-elle lui en mettre une ? Pourquoi réfléchissait-il autant alors qu'habituellement il agissait sans penser ?
Il se rappela alors que la mort n'était jamais loin et qu'il ne fallait jamais avoir de regrets. Il repoussa délicatement une de ses mèches de cheveux qui lui tombait devant les yeux, et élimina la distance qui se trouvait entre elle et lui.
Il l'embrassa, devant l'énorme maison du jeune homme, sans même se soucier du fait que absolument tous les voisins du quartier pouvaient les voir.
Illéa chancela. Que se passait-il ? Elle avait déjà embrassé des garçons mais elle avait toujours été un minimum alcoolisé. Là, elle était complément sobre. Elle se tenait droite comme un piquet sans comprendre ce qui se passait. Un flot de questions se bouscula dans sa tête, renversant tout sur son passage. Comment était- elle censée réagir ? Qu'est ce qu'aurait fait une fille normale ?
Et puis soudain les digues lâchèrent. Une larme roula sur sa joue et elle rendit son baiser à Emerson avec plus de fougue que ce dernier, qui était plutôt hésitant. Ce fut l'une des seules fois de sa vie où elle embrassa un garçon par pur envie et non pas par pression de la société, pas parce que c'était la norme de faire son premier bisou à tel âge. Elle le faisait car elle le voulait, elle souhaitait partager quelque chose avec lui, lui transmettre toutes les émotions qu'elle n'arrivait pas à exprimer, lui démontrer à travers ce baiser mi fougueux mi délicat qu'il était fort.
La magie se brisa lorsqu'une voiture passa à toute allure à côté d'eux. Illéa s'écarta vivement en manquant de se ramasser la tête la première contre le goudron. Que venait-elle de faire ? Qu'est ce que tout cela signifiait ? Pourquoi avait-elle ressenti le besoin de l'embrasser ? Son cerveau était à deux doigts de la surchauffe tant elle ne comprenait rien à ce qui venait de se passer.
Emerson était tout aussi perdu qu'elle. Si ce n'est que lui aurait voulu immédiatement recommencer. Lorsqu'elle s'était reculée, le froid l'avait envahit. Il avait beau ne pas vouloir l'admettre, il savait mieux que personne qu'il était en train de développer des sentiments pour la jolie brune à la beauté glaciale.
- Je... Je dois y aller. On se voit demain au lycée. De toute façon il faudra qu'on parle, c'est beaucoup trop rare de connaître une personne qui a subit une greffe que j'ai forcément des tas de questions à te poser, balbutia Illéa, toujours prête à ramener la science dans ses émotions.
Emerson rigola. Il avait peut être tout foutu en l'air en l'embrassant, mais au moins elle n'avait pas perdue son habituelle maladresse et le fait qu'elle soit drôle malgré elle.
- Tu ne veux pas que je te ramène ? demanda-t-il ?
- Non, ne t'inquiète pas. Et puis je dois faire un détour. Merci quand même.
Et elle s'en alla, sans même se retourner. Était-ce mauvais signe ? Le cœur d'Emerson se serra. Puis il se rappela qu'elle lui avait dit qu'ils parleraient demain au lycée, or, il l'a connaissait assez pour savoir que si elle avait vraiment détesté, elle l'aurait tout bonnement ignorée. Il se persuada donc que tout était ok. Il ne put s'empêcher de la regarder s'éloigner. Ce jour là, elle portait une jolie robe rose poudrée qui lui arrivait légèrement au dessus des genoux accompagnée d'un de ses habituels gilets oversize noir, doc martens aux pieds et bien sûr son sac à dos noir négligemment posé sur une de ses épaules. Elle était magnifique. Même si les manches longues qui couvraient ses bras lui faisaient toujours autant de mal.
Illéa sentait le regard du jeune homme posé dans son dos. Elle espérait qu'il ne la trouvait pas trop laide et instinctivement elle se redressa et surveilla sa démarche.
Elle n'avait pas menti, elle devait réellement faire un détour. Elle s'arrêta à sa librairie préférée, flâna dans les rayons sentant le café et les pages vieillies de livres, les yeux pétillants devant toutes ces lectures. Elle passa ensuite à la caisse, trois livres dans les mains. Elle avait beau être une passionnée de sciences, la littérature l'attirait aussi énormément. En même temps, en tant qu'adolescente à haut potentiel intellectuel, elle était intéressée par toutes sortes de choses.
Le caissier était un jeune homme d'environ 19 ans, la peau brune, tout comme ses yeux et ses cheveux. Il possédait une beauté poétique et Illéa ne pu s'empêcher de l'analyser.
- Très bon choix de livres.
Elle sortie de sa rêverie et fut surprise de constater qu'il s'adressait bel et bien à elle. Pour appuyer ses propos, le jeune homme lui fit un clin d'œil.
-Merci beaucoup, répondit-elle avec le sourire le plus large qu'elle pouvait proposait.
Il avait l'air sympa et en plus de cela il travaillait dans une librairie, il fallait bien qu'elle essaie de passer pour quelqu'un de normal et de sympathique.
Elle récupéra le sac qu'il lui tendit et les doigts du jeune homme semblèrent s'attarder sur les siens. Ou peut être qu'elle se faisait des films. C'était tout à fait possible. Elle le remercia et s'en alla.
- A bientôt j'espère ! s'exclama-t-il, juste avant qu'elle ne passe le pas de la porte.
Elle sourit légèrement et rentra chez elle.
VOUS LISEZ
Parallèles
Teen FictionParallèles : se dit de deux droites qui ne se rencontrent pas. C'est ce qu'ils étaient, deux droites parallèles entre elles. C'est aussi ce que Illéa avait tracé sur ses avants bras. Des droites parallèles, tracées à main levée , qui avaient failli...