CHAPITRE CENT DIX-HUIT .4

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Tranit ayant pris une douche et passé une tenue propre et fraîche, elles marchèrent tranquillement en direction des énormes navires qui s'étaient volontairement échoué sur les berges afin que dès le lendemain aux aurores l'embarquement puisse commencer sans délai.

— Qu'est-ce qui serait de prévu pour les prochains jours, Kaloning ?

— Demain soir, dîner avec les officiers de l'Etxalar. Tous les officiers, précisa son adjointe. Le soir suivant, avec Benwan. Tu ne peux pas comprendre que c'est la seule distraction ici, ces invitations à manger.

Nous, nous pouvons bouger avec les kañvs, mais pas les autres. Nombreux étaient ceux qui commençaient à penser que ceux partis par terre avec Erwan étaient les chanceux.

Tranit s'en amusa.

— Je vais te raconter Auriébat et tu me diras ce que tu en penses. Je garde l'histoire pour le repas, de toute façon nos invités en auront déjà entendu parler. Et après Benwan ?

— Nous aurons plusieurs exercices en journée, mais le soir, encore des repas et des soirées avec chaque bataillon. Suwane à proposer de finir par un repas avec seulement l'encadrement féminin du Barcus comme de l'Etxalar et du RCC.

— Un repas entre femmes ? Pourquoi pas !

Les deux jeunes femmes montèrent dans le catamaran, rejoignirent directement sa vaste cale centrale surélevée et rejoignirent le campement temporaire d'Adacie, un chariot bien plus petit que le sien et bien moins équipé.

— Et Suwane, demanda Tranit une fois déharnachée et affalée sur un fauteuil de ce qui servait de bureau comme de cantine pour ses deux compagnes.

— Sur le retour. Elle accompagnait Lonig qui a conduit une équipe de cartographie jusqu'au patrouilleur éclaireur.

Tranit se souvint que cartographie désignait la science de tracer les cartes. Erwan faisait sans cesse vérifier l'itinéraire choisi pour s'assurer que ses navires auraient assez d'eau pour naviguer. Il aurait été ridicule de se retrouver à sec au sommet d'une crête !

— Dans combien de temps notre repas ?

— Dans une bonne heure. Arrivée de nos invités à 22.30. Deux heures de festivités. Tous nos cuistots et nos champions de la tambouille sont mobilisés. Les marins nous ont aménagé un endroit convenable sur l'avant de la plateforme.

— J'irai remercier le commandant. C'est un peu délicat de festoyer alors que je ne l'ai pas encore rencontré.

— Il comprend, affirma Adacie. Je lui ai proposé de venir prendre une tisane après le départ de nos invités. De toute façon, Erwan a prévu un repas avec tous les capitaines des navires et les commandants d'unités, une fois que nous commencerons la remontée de la Garonne. On peut faire confiance à son service du protocole. Même en campagne, ils savent s'organiser.

Tranit et Adacie papotèrent jusqu'au retour de Suwane qui déboula dans le chariot sourire aux lèvres, les yeux brillants. Son regard se posa sur Tranit puis elle huma ostensiblement l'atmosphère.

— Nous t'avons attendue, Petit Fée ! la rassura Tranit dans un souffle rauque, alors qu'elle attirait la jeune pilote et Adacie à elle. Tranit les embrassa longuement ensemble, respirant à plein nez leur parfum.

— Allez-vous doucher et vous préparer ! Cette nuit vous êtes à moi !

Mais la nuit fut plus courte que prévue, la faute à un dîner plus que réussi. Après une douche polissonne, juste de quoi mettre en appétit, comme des amuse-gueules laissent envisager la suite du repas, les trois jeunes femmes impeccablement habillée accueillir les soixante officiers des quatre bataillons du régiment et ceux de la compagnie d'intendance.

Les enseignes avaient fait des merveilles pour mélanger les grades et les unités. Tranit avait gardé Adacie à sa gauche et installé Luin à sa droite, ancienneté oblige. Comme elle avait maintenant un peu plus l'habitude de ces réunions, Tranit se détendit plus rapidement et se montra une hôtesse charmante.

Adacie lui avait trouvé quelques soldats musiciens assez doués qui connaissaient quelques airs largement connus et qui égayèrent l'ambiance. Tranit fit une nouvelle fois l'éloge de Luin et de ses manœuvres.

Maintenant qu'elle avait aussi lu l'analyse de Benwan et de Cydrac, l'exploit lui semblait encore plus remarquable et cela suffit à recommencer une série de félicitations et de verres à boire.

Mais Luin était un habitué de ces repas et tout en acceptant les compliments fit remarquer à Tranit qu'elle leur devait un petit récit sur Auriébat.

Tranit s'y attendait et réussit à faire rire tout le monde en avouant qu'elle avait réussi à ce que ni Adacie ni Suwane n'en entendent parler avant ce moment.

Elle raconta donc avec suffisamment de détails et surtout l'exactitude attendue, ce qui s'était passé après leur franchissement de l'Adour. Si tout le monde loua le calme d'Erwan et son intelligence, le récit de son duel judiciaire avec un Lasseube stupéfiât.

Tranit ne sut vraiment ce qui médusait le plus ces hommes : qu'Erwan eût comme lacéré à distance un homme sans rien n'avoir dans les mains ou qu'il eût concédé l'honneur d'un duel à un Lasseube.

Le ressentiment contre cette famille, cette contrée était vraiment immense. Adacie fronçait les sourcils, comme furieuse. Si son prophète avait été là, elle lui aurait sans doute reproché sa trop grande mansuétude.

Le récit de Tranit ayant pris plus longtemps qu'elle ne l'aurait voulu et bien que les chants fussent un peu raccourcis, c'est bien après une heure du matin que les derniers invités rejoignirent leurs campements.

Les marins avaient eu la délicatesse d'installer une rampe pour rejoindre directement une partie asséchée de la berge et ainsi faciliter le retour de ceux ayant un peu abusé des boissons. On en trouvait toujours, même parmi les meilleurs.

Tranit alla ensuite remercier le capitaine de son transport, fuma une pipe de chanvre avec lui et bu une tisane légère.

L'homme, assez âgé, était un capitaine indépendant ayant juré fidélité au roi Wélaxix, le père d'Awèl et depuis trois ans était affecté à l'escadre allouée à Erwan pour ses projets, ses campagnes militaires et son commerce.

Il avait une quantité énorme d'anecdotes à raconter et s'il n'avait eu la responsabilité de son navire, aurait bien commencé à les raconter dès maintenant.

Tranit lui promit de partager un déjeuner avec lui et de lui rendre visite lors de leur navigation. Elle n'avait jamais assisté à ce spectacle et promis d'en réserver la primeur à l'officier.

C'est à deux heures du matin qu'elle rejoignit ses deux compagnes et qu'elle put enfin se laisser aller pour quelques heures. Beaucoup de tension à évacuer, rien de mieux que quelques heures dans leurs bras pour se ressourcer.

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Vixii

Les Larmes de Tranit - 6Où les histoires vivent. Découvrez maintenant